Les gouvernements successifs en Corée du Sud ont fait montre d'une méfiance remarquable à l'égard d'Internet. Le pays est, parmi les pays démocratiques, celui qui est sans doute le plus entreprenant en matière de régulation. Son inimitié à l'égard de la Corée du Nord est l'une des raisons que l'exécutif avance pour censurer le net. La protection des mineurs en est une autre.

En Corée du Sud, la régulation du net est sous la responsabilité de la Commission de régulation des moyens de communication (KCSC). C'est elle qui réceptionne et traite les demandes de retrait de contenus. Cependant, la KCSC est contestée : son fonctionnement est opaque, alors qu'elle a le pouvoir d'empêcher les internautes sud-coréens d'accéder à certains contenus, jugés inappropriés.

Les tours de vis réguliers que donne la Corée du Sud ont fini par persuader Reporters Sans Frontières de classer le pays dans la liste des États "sous surveillance". Avec l'Australie, la France et l'Inde, c'est l'un des rares pays démocratiques à être pointés du doigt par l'ONG. Or, les dernières initiatives sud-coréennes ne devraient pas plaider en faveur d'une sortie de la liste.

La presse sud-coréenne, citée par The Verge, signale que le gouvernement a de grands projets pour préserver la jeunesse. Très active sur les réseaux mobiles, celle-ci devrait bientôt naviguer sur la toile sous surveillance. En effet, le gouvernement souhaite que les smartphones des mineurs intègrent un logiciel pour bloquer l'affichage des contenus pornographiques et des jurons.

Les échanges sur les réseaux sociaux seront évidemment particulièrement ciblés par le programme sud-coréen, que les sites soient occidentaux (Facebook, Twitter…) ou asiatiques (Kakao Talk, Line…). Il s'agit, selon l'exécutif, de prévenir le harcèlement sur la toile. Celui-ci peut en effet avoir des effets désastreux sur la victime, ce qui est très inquiétant dans la mesure où le taux de suicide est élevé en Corée du Sud.

Comme le rappelle Reporters Sans Frontières, la KCSC a récupéré l'an dernier de nouvelles prérogatives pour contrôler et censurer les contenus sur la toile. En plus des contenus pornographiques, la commission s'attaque aux jeux d'argent, à la consommation de drogues, au harcèlement, aux propos calomnieux, aux fausses informations et aux messages faisant l'apologie de la Corée du Nord.

Dans son rapport (.pdf), le rapporteur spécial des Nations unes pour la liberté d'expression, Frank La Rue, estime que les relations compliquées entre le pouvoir en place et le réseau des réseaux sont un "sujet de grande inquiétude". En outre, le gouvernement s'inquiète de la dépendance de nombreux jeunes aux jeux vidéo en ligne. Des stratégies parfois draconiennes pour la limiter ont été mises en place.

Il y a toutefois des motifs d'espérance. Cet été, la Cour constitutionnelle sud-coréenne a censuré un projet de loi portant sur la diffamation. Celle-ci imposait aux sites les plus fréquentés d'afficher la véritable identité de leurs contributeurs. Pour les magistrats, le texte a un effet néfaste sur la liberté d'expression puisqu'il dissuade les internautes de commenter, de peur d'être ensuite inquiétés.

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