La semaine dernière, nous rapportions que la ministre de l'économie numérique Fleur Pellerin voulait "négocier la censure avec Twitter". Dans un entretien accordé à LCI, Mme Pellerin avait en effet affirmé vouloir "négocier avec Twitter le fait de pouvoir retirer les contenus, les hashtags qui sont litigieux". Le gouvernement donnait ainsi le sentiment de demander à Twitter qu'il bloque tous les messages contenant un hashtag (un mot clé, #MotClé) jugé "litigieux", quel que soit le contexte ou le contenu de ces messages. Or un hashtag n'est pas litigieux ; seul un tweet qui le contient peut l'être.
La nuance est fondamentale, puisqu'elle dresse la ligne rouge entre la censure exercée "a priori" (tous les tweets contenant tel hashtag sont présumés illégaux et sont censurés), et la censure "a posterori", qui exige de vérifier au cas par cas l'illégalité des tweets qui contiennent le hashtag visé, avant de les condamner.
Dans un premier temps, Fleur Pellerin avait paru s'en tenir à notre interprétation de ses propos. Interrogée via Twitter, la ministre de l'économie numérique nous avait certes reproché "un titre trompeur", mais confirmé que selon elle, "un hashtag peut être manifestement illicite".
Or, "si le hashtag ou le tweet est manifestement illicite au sens de la loi et de la jurisprudence, il doit être supprimé après notification", maintenait la ministre de l'économie numérique :
Cependant, après quelques échanges, le cabinet de Fleur Pellerin nous a affirmé qu'il n'était pas (ou plus ?) question de demander que tous les tweets contenant un hashtag soient supprimés d'office. "Nous parlons de bloquer les hashtags dans les Trending Topics (TT), pas de bloquer un mot ou une phrase", nous assure-t-on. La précision est essentielle, puisqu'il ne s'agit plus d'empêcher l'utilisation d'un hashtag par celui qui voudrait y compris le critiquer ou s'en moquer, mais simplement d'éviter qu'il apparaisse dans le classement des "sujets chauds" affiché par Twitter.
La mesure, tout à fait respectable, viserait alors à dissuader l'organisation d'une sorte de concours de provocation par ceux qui ont d'abord pour but de faire arriver les pires horreurs possibles dans les Trending Topics (ou "Tendances") de Twitter, affichées sur la page d'accueil du service en ligne. Ce serait par ailleurs à la société de décider elle-même de ce qui doit être ou non filtré, et d'assumer la responsabilité de ce choix.
Mieux, le cabinet de Fleur Pellerin retiendrait notre interprétation de la jurisprudence constitutionnelle sur la modération des contenus illicites. Twitter n'aurait à supprimer des hastags dans les TT ou même des tweets que s'ils ont été d'abord notifiés et qu'ils sont très "manifestement illicites", ou s'ils ont été déclarés comme tels par un juge. Ce qui devrait inciter Twitter à ne pas avoir la main trop lourde, même s'il décidait de se plier à la loi française.
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