L'accès à Internet doit-il être considéré comme un droit fondamental ? Avec la place toujours plus importante que prend le réseau des réseaux dans le quotidien de la population, la question n'est plus absurde. Elle fait en tout cas son chemin et s'affirme à mesure que de plus en plus d'activités personnelle ou professionnelles peuvent être réalisées avec le net.
En Allemagne, la Cour fédérale a rendu un arrêt important qui va dans ce sens. Les magistrats ont considéré que l'accès à Internet est devenu si important qu'un abonné privé de sa connexion doit être indemnisé par le fournisseur d'accès. "C'est la première fois que la cour dit qu'une connexion Internet est quelque chose d'aussi important que la possession d'un téléphone", a commenté la porte-parole.
Privé du net pendant 3 mois
En l'espèce raconte Computer World, l'affaire sur laquelle s'est penchée la Cour fédérale concerne un client dont le fournisseur d'accès a échoué à lui fournir un accès à Internet entre décembre 2008 et février 2009. Le plaignant a été déconnecté par erreur et a demandé en conséquence une compensation financière de 50 euros par jour pendant le temps où il ne pouvait utiliser sa ligne ADSL.
Les juges n'ont pas accédé à toutes les demandes du demandeur. Ainsi, le fait qu'il ne puisse plus se servir d'un service de voix sur IP (VoIP) n'a pas été pris en considération dans la mesure où celui-ci est propriétaire d'un téléphone mobile et d'un forfait téléphonique. Idem pour le fax : la cour a refusé d'accorder une indemnité, au motif que cette technologie devient insignifiante face à l'émergence d'alternatives crédibles (email).
Cependant, l'usage du courrier électronique dépend de l'accès à Internet. Et c'est bien son absence qui a été pris en compte par la cour. La perte de sa ligne pendant une période de temps aussi longue (trois mois) justifie un dédommagement parce qu'Internet fait désormais partie intégrante de la société et participe à la qualité de vie des individus depuis un certain temps maintenant.
Obligation de résultat
Le verdict rendu par la Cour fédéral n'est pas sans rappeler l'obligation de résultat. En France, l'UFC-Que Choisir avait porté plainte en 2002 contre AOL et, au prix d'une longue bataille judiciaire, s'est vu confirmé par la Cour de cassation que la cause du contrat du FAI qui l'exonérait de toute responsabilité en cas de défaillance dans l'accès à Internet était illicite.
"Une telle clause, qui, au-delà des cas de force majeure ou de fait du cocontractant, avait pour effet de dégager la société AOL de son obligation essentielle, justement qualifiée d'obligation de résultat, d'assurer effectivement l'accès au service promis, était abusive", indique la Cour de cassation dans un arrêt du 8 novembre 2007. Les FAI n'ont ainsi pas une simple obligation de moyens.
Aussi vital que l'eau et le gaz
En 2009, c'est l'ancien premier ministre britannique Gordon Brown qui s'est illustré sur le sujet en affirmant que "Internet est aussi vital que l'eau et le gaz" lors de la présentation de l'équivalent local du Plan Numérique 2012. La déclaration avait surpris, car dans le même temps était en train de se mettre en place la riposte graduée britannique, pour empêcher les pirates de télécharger illégalement.
Le premier ministre ajoutait que soutenir les technologies de l'information et de la communication est l'une des clés de la reprise économique du pays. "L'investissement désormais dans les industries de l'information et de la communication peuvent soutenir notre émergence de la récession vers la récupération, et cimenter la position de la Grande-Bretagne en tant que puissance économique mondiale".
Liberté d'expression
Sur la question de l'accès à Internet comme droit fondamental, impossible de ne pas rappeler la position du Conseil constitutionnel. Lors de la création législative de la loi Hadopi, les Sages ont souligné que l'accès à Internet est une composante essentielle de la liberté d'expression "d'autant plus précieuse que son exercice est une condition de la démocratie et l'une des garanties du respect des autres droits et libertés".
La censure de la loi Hadopi avait conduit le législateur à aménager le texte, en réintroduisant le fait que la sanction de suspension de l'accès à Internet est une atteinte portée à la liberté d'expression et de communication ne peut être décidée que par l'ordre judiciaire et non pas une simple autorité administrative. Seul un juge judiciaire peut restreindre des libertés.
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