Sous le prétexte fallacieux de supprimer une sanction disproportionnée qui de toute façon ne peut être appliquée (la suspension de l'accès à internet), le monde de la musique fait front commun à Cannes pour demander l'instauration d'une amende systématique de 140 euros pour les abonnés à internet dont l'accès est utilisé pour pirater des morceaux de musique.

Mise à jour : Une source proche du dossier nous indique que la création d'une amende administrative est quasiment actée dans le cadre de la mission Lescure, avec l'aval du gouvernement. Les discussions restent sur sa mise en place juridique ; elle pourrait être gérée par une autorité administrative dédiée, façon Commission de Protection des Droits de l'Hadopi, ou bien par le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel (CSA), qui pourrait hériter des prérogatives de l'Hadopi. La loi issue de la mission Lescure devra être examinée par le Parlement au début de l'année 2013.

Va-t-on vers un remplacement de la peine de suspension de l'accès à internet par une peine d'amende automatisée, à la manière des radars placés sur le bord de la route ? C'est en tout cas ce que demande l'Union des Producteurs Phonographiques Français Indépendants (UPFI), qui a plaidé ce week-end à Cannes lors du Midem pour l'instauration d'une amende automatisée de 140 euros. "L'UFPI se range à l'avis de la Sacem", remarque Electron Libre, dans une allusion aux propos tenus dès son entrée en fonction par le nouveau patron de la Sacem, Jean-Noël Tronc, qui avait demandé des sanctions sans sommation.

L'idée de l'industrie musicale française est donc de se débarrasser de la très lourde procédure de riposte graduée, dont la sanction finale ne peut être prononcée que par un juge à l'issue de multiples avertissements et d'une transmission formelle au procureur de la République (une poignée de dossiers en 2012) ; et de la remplacer par un système simpliste d'amendes délivrées automatiquement, par la Hadopi elle-même (ou son successeur).

"Si je suis pris à 57 km/h sur la voie sur berge à Paris, on ne m'envoie pas un email d'avertissement, on me retire trois points à mon permis et je dois payer une amende", avait plaidé Jean-Noël Tronc en juin 2012. Il disait regretter que la loi Hadopi "impose une exception de fait à la règle générale qui est qu'à toute contrefaçon répond une sanction". 

Le SNEP, qui représente les majors, avait dégainé le premier dès le mois de mai 2012. Le syndicat des majors de l'industrie musicale voulait conserver "un niveau d'amende pas trop élevé mais suffisamment dissuasif pour que télécharger illégalement ne soit pas plus intéressant que s'abonner à une offre" légale. 

Lorsqu'il a pris en charge la mission de réfaction de l'Hadopi qui lui a été confiée, Pierre Lescure a immédiatement expliqué, dès juillet 2012, qu'il voulait conserver la riposte graduée, en éliminant la suspension de l'accès à internet (qui de toute façon est irréaliste tant techniquement que juridiquement). Il "semble incontournable de conserver un dispositif de surveillance et de sanction", avait même prévenu l'ancien patron de Canal+.

De son côté, la présidente de la commission de protection des droits de la Hadopi, Mireille Imbert-Quaretta, avait mis en garde contre un système d'amendes automatisées, à l'été 2012. Il faut "réfléchir à quelque chose qui ne soit pas plus répressif que le système actuel", ce qui n'est "pas simple", avait-elle déclaré, en expliquant qu'un système d'amendes façon radars routiers seraient beaucoup plus répressif que le mécanisme actuel. "S’il y a traitement automatique cela se traduirait pas des sanctions financières très importantes".

Ce serait en tout cas un retour aux sources pour la loi Hadopi, née des cendres de la loi DADVSI, dont le dispositif d'amendes automatisées avait été censuré par le Conseil constitutionnel. Mais il l'avait été à l'époque parce que l'amende condamnait un acte de "contrefaçon" sur Internet, en créant une exception injustifiée au régime pénal normal des contrefaçons. Cette fois, l'amende automatisée viserait l'infraction de négligence caractérisée, ce qui éviterait une censure du Conseil constitutionnel.

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