Il y a dix jours, nous rapportions que dans son dernier discours en tant que président du CSA, Michel Boyon avait clairement exprimé la volonté du Conseil de réguler les vidéos personnelles des internautes, au même titre que les contenus des chaînes de télévision et stations de radio. Pour la première fois depuis l’instauration d’une autorité chargée de réguler les médias, il ne s’agirait plus de réguler ce que font des professionnels à l’égard des particuliers, mais de réguler ce que font des particuliers entre eux.
Dans une contribution à une réflexion engagée en juillet dernier par le Gouvernement, qu’il vient de rendre publique, le CSA explicite en partie la méthode qu’il souhaite employer. « Les compétences du Conseil supérieur de l’audiovisuel pourraient être étendues selon des modalités adaptées aux spécificités d’internet, à l’ensemble des contenus audiovisuels mis en ligne sur les sites internet, dans le cadre d’une corégulation« , explique le CSA. « Celle-ci serait fondée sur l’autorégulation des éditeurs de sites, en partenariat avec les autres acteurs concernés, notamment les associations familiales. Le Conseil pourrait fixer des principes généraux et veiller au bon fonctionnement de cette autorégulation« .
Il ne s’agirait donc pas d’imposer des règles que les sites de vidéo en ligne devront impérativement suivre, mais d’intervenir comme une sorte d’arbitre dans la définition de chartes de bonne conduite, qui permettront d’identifier les contenus qui peuvent être mis en ligne et ceux qui doivent être rejetés, ou ceux qui doivent être limités à certains publics.
Une base volontaire, mais le risque d’un blocage par défaut
Mais le CSA précise qu’il « pourrait aussi mettre en place un dispositif de « labellisation », sur la base du volontariat, de sites adaptés aux mineurs« . Il s’agit là d’une vieille proposition élaborée dès 2008 par le député UMP Frédéric Lefebvre, qui vise à créer un label des sites de vidéos personnelles, avec un effet déclenché en deux temps. Dans un premier temps, les sites seraient labellisés « sur la base du volontariat ». Puis dans un deuxième temps, les logiciels de contrôle parentaux auraient l’obligation de bloquer les sites non labellisés, c’est-à-dire tous ceux qui ne jouent pas le jeu du CSA.
Or ces logiciels de contrôle parental doivent être fournis par les FAI, et devraient bientôt se généraliser comme options proposées directement dans les box, sur le modèle du blocage de la publicité proposé par Free. Certains députés proposent même que le filtrage des sites pornographique soit activé par défaut.
Le CSA identifie trois domaines où le sceau de la censure pourrait s’opérer :
- « la protection de l’enfance et de l’adolescence (programmes susceptibles de nuire à l’épanouissement physique, mental ou moral des mineurs, comme les sports dits de combats libres) » ;
- « le respect de la dignité de la personne humaine et la prohibition de l’incitation à la haine ou à la violence pour des raisons de race, de sexe, de moeurs, de religion ou de nationalité » ;
- D’autres champs d’intervention notamment en matière de déontologie de l’information, de pluralisme politique avec l’instauration d’un socle minimal de règles en période électorale ».
Reste à voir, en pratique, par qui et comment s’opérerait la qualification des contenus envoyés sur Dailymotion ou YouTube, et par quelles procédures éventuelles un internaute pourrait « faire appel » d’une classification qu’il jugerait disproportionnée. De ces questions, non abordées par le CSA, dépend le respect effectif de la liberté d’expression et de communication.
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