Francis Gurry, le Directeur général de l'OMPI, lors de l'inauguration d'une exposition sur les inventions de Steve Jobs, le 30 mars 2012 (CC US Mission Genera)
Comme l'année 2011 qui avait déjà marqué une forte hausse du nombre de marques et brevets déposés selon les procédures d'extension internationale administrées par l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI), l'année 2012 a elle aussi signé un nouveau record en matière de propriété intellectuelle.
L'OMPI a ainsi indiqué cette semaine de voir que le nombre des brevets déposés en vertu de la procédure PCT a augmenté de 6,6 % par rapport à 2011, avec 194 400 demandes enregistrées l'an dernier. Les marques commerciales déposées selon la procédure de Madrid ont augmenté de 4,1 %, tandis que les dessins et modèles industriels déposés selon la procédure de La Haye ont progressé de 3,3 %.
L'inflation continue de la propriété intellectuelle se montre donc imperméable à la crise économique, qu'elle contribue pourtant à accentuer en dissuadant toujours davantage les petites et moyennes entreprises d'investir dans des terrains minés. Quel entrepreneur soucieux de la pérennité de son entreprise irait en effet se risquer à lancer un produit sur un marché qu'il sait pollué par des centaines voire des milliers de brevets ? Les obstacles sont multiples :
- Le nombre des brevets accordés est tel qu'il est devenu impossible ou beaucoup trop coûteux pour une PME de vérifier qu'un produit qu'elle conçoit n'utilise pas une technologie décrite par l'un d'entre eux ;
- Les examinateurs eux-mêmes sont victimes de cette inflation et manquent de moyens et de temps pour vérifier la validité de chacun des brevets qu'ils accordent. Ce qui fait qu'un nombre conséquents de brevets en principe invalides sont octroyés, et ne peuvent être invalidés qu'au prix d'une longue et coûteuse procédure judiciaire inaccessible aux PME ;
- Des structures sans activité inventive propre mais spécialisées dans la constitution de portefeuilles de brevets se montent, exclusivement dans le but de commercialiser ces brevets, et/ou de poursuivre et faire payer les entreprises accusées de contrefaçon (ce sont les fameux "patent trolls", mais aussi les organisations comme France Brevets). Or ces structures s'attaquent toujours en priorité aux petites et moyennes entreprises, qui sont les moins susceptibles d'avoir les ressources suffisantes pour résister et faire invalider les brevets les plus contestables ;
- Le rythme de renouvellement technologique s'est considérablement accentué, mais la durée de protection des brevets (20 ans) n'a pas diminué. Pour avoir des produits compétitifs, une entreprise est donc aujourd'hui beaucoup plus susceptible qu'avant d'utiliser des technologies qui ne sont pas encore passées dans le domaine public.
Dans un texte contexte, les grandes entreprises sont favorisées. Elles ont avec elle les moyens financiers et la stabilité qui leur permettent à la fois de limiter les risques de violation de brevets, et d'encaisser au besoin les procédures judiciaires qui pourraient être engagées contre elles. Elles ont par ailleurs la possibilité de déposer elles-mêmes quantité de brevets pour devenir celles qui menacent, et ne pas rester celles qui sont menacées.
Laisser faire une telle inflation de propriété intellectuelle, c'est prendre le risque d'étouffer les jeunes entreprises qui doivent permettre à l'économie de respirer et de repartir. Mais l'OMPI ne voit visiblement aucun problème à ce que les grandes entreprises sortent gagnantes de la crise grâce à la propriété intellectuelle, au risque d'asphyxier les petites.
"Alors que nous voyons poindre les signes d’une reprise, les entreprises qui se sont constitué de solides portefeuilles d’actifs intangibles pendant la période de ralentissement seront les plus à même de profiter des nouvelles opportunités commerciales", s'est ainsi félicité Francis Gurry, le directeur général de l'OMPI.
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