Intellectual Ventures, Acacia Research, Interdigital… ces entreprises ne vous évoquent peut-être rien. Leur influence dans le domaine de la propriété intellectuelle est pourtant considérable. Baptisés "trolls de brevet" (patent trolls"), ces groupes n'ont pas d'autre raison d'être que d'amasser le maximum de titres industriels pour ensuite les monétiser auprès d'autres entreprises.
C'est leur unique activité. Elles ne produisent rien ni n'inventent rien. Elles se contentent d'accumuler des brevets pour ensuite octroyer d'onéreuses licences. Et force est de constater que ça marche. En effet, les entreprises dans le collimateur des trolls de brevet cèdent généralement, car elles savent pertinemment qu'elles n'ont pas forcément les moyens financiers de résister.
Ce sont d'abord les PME qui sont visées, car elles n'ont pas les mêmes capacités pour se défendre en justice qu'un Apple ou un Samsung. Elles y réfléchissent à deux fois avant de se défendre en justice, car rien ne garantit une victoire à la fin. En outre, même un succès devant les tribunaux coûte de l'argent aux États-Unis, puisque le remboursement des frais judiciaires engagés par le gagnant reste à sa charge.
En 2012, deux universitaires de la faculté de Boston ont cherché à évaluer l'impact des trolls de brevet sur l'économie américaine. Il est apparu que le parasitage de ces firmes aurait coûté 29 milliards de dollars aux industriels en 2011. Rien de bien surprenant, puisqu'une autre étude, cette fois conduite par une professeure de droit de la faculté de Santa Clara, a mis en lumière leur promptitude à porter plainte.
Selon ses estimations, les plaintes américaines impliquant des brevets sont dominés (61 %) par les trolls. En 2007, les trolls représentaient 27 % des actions en justice. En 2011, 45 %. Un cinquième des startups levant entre 20 et 50 millions de dollars a déjà eu à faire avec un troll des brevets. Entre 50 et 100 millions de dollars, c'est 35 % des startups qui sont concernées.
Loin de se résorber, le problème s'aggrave, au risque de freiner l'innovation, de contribuer à la crise économique et financière, tandis que la qualité des vérifications des demandes réalisée par les bureaux comme l'USPTO aux États-Unis, l'Office Européen des Brevets ou l'institut national de la propriété industrielle en France diminue au moment où celles-ci explosent.
Cependant des initiatives comme la vérification collaborative ont émergé au Royaume-Uni et aux USA, tandis que certaines firmes, comme Google par exemple, réclame une réforme du droit des brevets. Il faut également noter la mobilisation de l'Electronic Frontier Foundation (EFF). L'ONG demande à la commission fédérale américaine (FTC) de prendre des mesures pour faire cesser ces pratiques.
"Nous invitons urgemment la FTC à produire un rapport détaillé sur les trolls de brevet et le coût qu'ils imposent à l'économie. […] Les trolls coûtent des milliards de dollars chaque année et représentent un fardeau particulièrement lourd sur les startups. Les trolls de brevet les ciblent parce qu'ils savent que ce sont des petites structures manquant de ressources pour contre-attaquer".
"Nous pressons également la FTC d'utiliser ses pouvoirs d'investigation et d'application de la loi contre les trolls de brevet les plus zélés, en particulier ceux qui utilisent des plaintes sans fondement pour extorquer des accords à l'amiable. Parce que ces coquilles vides ne font rien elles-mêmes, elles n'ont généralement rien à perdre. Cela leur donne une occasion unique d'abuser du système […]".
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