On savait la Direction Centrale des Renseignements Intérieure (DCRI) très impliqué dans la surveillance des groupes terroristes sur Internet, ou soucieuse d’empêcher que certaines informations ne puissent être publiées. Mais on ne la savait pas également active dans la publication-même de contenus sur Internet, dans des opérations de barbouzerie d’une étrange modernité.
Le site Mediapart a en effet publié lundi une enquête passionnante et très surprenante sur l’action de la DCRI au cours de l’enquête sur le « groupe de Tarnac » formé autour de Julien Coupat, accusé en 2008 d’être impliqué dans le sabotage d’une caténaire de ligne TGV. Soupçonné d’être apparenté au groupe terroriste AZF, qui avait exigé fin 2003 une rançon pour ne pas faire exploser des bombes sur les voies ferrées, le groupe a découvert que 6 blogs ouverts par la même personne s’acharnaient à tenter de démontrer un lien entre Tarnac et AZF — une piste qui serait depuis abandonnée, faute de preuves.
Sur ces blogs, écrits avec érudition, l’auteur démontrait une connaissance très étroite et même intime des membres du groupe de Tarnac, avec de très nombreuses références jusque là inédites sur leurs lieux de vie, leurs activités passées (y compris des loisirs), leurs actions militantes, etc. Des détails improbables remontaient à la surface, et même des photographies dont personne ne connaissait l’origine. Souvent, les messages étaient à ce point énigmatiques qu’ils ne pouvaient être compris que par les membres du groupe de Tarnac eux-mêmes.
Or « selon nos informations, ce blogueur ne serait autre qu’un policier de la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), venant des ex-renseignements généraux (RG)« , écrit Mediapart. Le policier, qui confirme ce point mais nie le reste, a également modifié la page Wikipedia de Julien Coupat, ou envoyé des mails à des professeurs et journalistes, en se faisant passer pour le groupe de Tarnac.
Interrogé par le journal, l’un des dix mis en examen de l’affaire de Tarnac, Mathieu Burnel, voit deux hypothèses pour expliquer de tels agissements. Soit la DCRI a tenté d’intoxiquer les journalistes en crédibilisant une thèse médiatique par des voies à la licéité douteuse ; soit (plus probablement) elle a souhaité montré aux personnes en cause qu’ils étaient sous étroite surveillance, depuis longtemps, pour les rendre paranoïaques et les paralyser. Il assure que Guy Debord, l’une des figures intellectuelles les plus influentes du groupe de Tarnac, avait lui-même reçu en 1971 son dossier complet des Renseignements Généraux (RG), par la poste.
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