Comment illustrer au plus vite un événement tragique pour lequel aucun journaliste n'est encore sur place ? A l'heure des réseaux sociaux, rien de plus simple. Puisqu'avec les smartphones tous les internautes sont des photographes de presse en puissance, il suffit de se rendre sur Twitter ou Facebook, et de trouver les images des plus proches témoins de l'événement. Mais encore faut-il le faire en respectant les droits d'auteur, comme l'a rappelé en début d'année la condamnation de l'AFP, qui avait exploité à tort des photos du tremblement de terre d'Haïti en 2010.
Or comme le montre une enquête très complète réalisée par Delbebbio, reprise par le site Arrêt Sur Images, le déraillement tragique du train à Brétigny-sur-Orge a donné lieu à un véritable imbroglio. En effet, deux photos de l'accident publiées sur Twitter par des internautes inconnus, @be_roby et @AichaKurdich, ont été largement reprises par la presse, qui a souvent cité leurs "auteurs" présumés en pensant bien faire. Beaucoup de médias ont aussi contacté les deux jeunes gens pour solliciter leur témoignage "exclusif", comme c'est le réflexe de tout journaliste.
Mais il est apparu plus tard que les deux internautes n'étaient en rien les auteurs des clichés qui ont fait le tour du monde, et qu'ils se sont trouvés dépassés par leur propre fraude, mettant longtemps à mettre leur orgueil (et leur gloire momentanée) de côté pour avouer qu'ils n'étaient pas sur place et qu'ils n'avaient pas pu prendre ces photos.
Pour leur défense, nombreux sont les médias à avoir demandé l'autorisation de reprendre la photo, à qui les deux internautes ont répondu… qu'ils donnaient l'autorisation ! Beaucoup plus rares sont ceux qui ont demandé confirmation qu'ils étaient bien les photographes (parmi ces derniers figurent Europe 1, le Telegraph, CNN, ou Associated Press).
"On peut supposer qu’Aicha et Roby ont une vingtaine d’années, d’après les photos de leurs profils, qui semblent authentiques. Comme tous les jeunes de leur âge, ils ont parfaitement l’habitude de Twitter et autres Facebook et ont une utilisation décomplexée de l’image. A ce sujet, « Ma photo » signifiant « la photo que j’ai retweetée » est très explicite. On copie-colle des images comme on le ferait avec du texte. Peu importe la provenance ni les conséquences.", analyse Delbebbio.
Ajoutons que du point de vue de la propriété intellectuelle, le code de la propriété intellectuelle prévoit une exception au droit d'auteur pour la diffusion par voie de presse d'oeuvres "dans un but exclusif d'information immédiate et en relation directe avec cette dernière, sous réserve d'indiquer clairement le nom de l'auteur". Mais pour protéger — initialement — les photographes professionnels, le texte ajoute que cette exception "ne s'applique pas aux oeuvres, notamment photographiques ou d'illustration, qui visent elles-mêmes à rendre compte de l'information".
Il est donc toujours nécessaire d'obtenir l'autorisation expresse de l'auteur avant de reprendre une photo d'événement, quand bien même fut-elle publiée sur un réseau social et accessible à tout le monde. Twitpic, le service de photographies de Twitter, indique dans ses conditions générales d'utilisation que "tous les contenus uiploadés sur Twitpic sont la propriété de leurs auteurs respectifs", et qu'il n'est "pas acceptable de copier ou sauvegarder le contenu d'un autre utilisateur depuis Twitpic et de l'upload sur d'autres sites".
Néanmoins, Twitpic ajoute que "pour publier du contenu d'un autre utilisateur de Twitpic (…), que ce soit en ligne, sur une publication imprimée, à la télévision ou sur tout autre format, vous devez demander l'autorisation préalable à Twitpic et attribuer les crédits à Twitpic en tant que source".
Twitpic se comporte donc en véritable agence de photographes de presse… à la nuance près qu'il ne rémunère aucun des photographes.
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