Depuis l'instauration du droit d'auteur, la durée de protection des œuvres n'a cessé d'enfler au détriment du domaine public. En France, la législation prévoit par exemple que les héritiers d'un artiste conservent la maîtrise exclusive des droits pendant 70 ans après la mort de celui-ci. Cette durée n'est évidemment par fixe, du fait du jeu des prorogations accordées par diverses exceptions (Mort pour la France par exemple).
Ce phénomène ne va pas en s'arrangeant. Outre l'allongement naturel de l'espérance de vie, qui influe mécaniquement sur cette durée de protection, les industries du divertissement poussent le législateur à l'étendre encore plus afin de pouvoir contrôler leur commercialisation aussi longtemps que possible. Or, ce monopole d'exploitation économique contribue à créer de véritables rentes, au détriment de l'intérêt de la collectivité.
Évidemment, les industries culturelles n'avancent pas cet argument lorsqu'elles justifient leurs positions. Pour faire passer la pilule, elles mettent plutôt en avant deux éléments : d'abord, l'extension de la protection est bénéfique pour les œuvres, notamment sur le plan commercial. Ensuite, elle l'est pour les artistes et les créateurs, dont le statut social ne peut alors que s'améliorer avec le temps.
Sauf que ces affirmations ne se vérifient pas dans la réalité. Dans une récente étude remarquée par Le Devoir, un professeur de droit américain s'est penché sur le rôle du copyright dans la visibilité et la carrière commerciale d'une œuvre. Il ressort de ce travail que le domaine public permet aux œuvres anciennes d'avoir un plus grand dynamisme commercial (voir le cas d'Alice au pays des merveilles).
Sous le régime classique du droit d'auteur, un ouvrage est géré par un seul éditeur. Dans le domaine public, chacun est libre de le publier ou non. Il est tout à fait possible d'en voir plusieurs travailler sur un même livre, permettant une saine concurrence non seulement au niveau du prix, mais aussi sur la qualité de l'édition, de la traduction, de l'illustration, de l'impression… et ainsi de suite.
De plus, tant que l’œuvre est sous droit d'auteur, l'exploitation n'est pas optimale. Les éditeurs s'activent les premières années, puis passent très vite à autre chose. Dès lors, il y a une période de temps assez longue qui s'installe où le livre n'est pas encore entré dans le domaine public (ce qui l'empêche de profiter de ses effets positifs) sans pour autant être une priorité pour l'éditeur, qui le délaisse.
Les éditions de livres désormais dans le domaine public (ceux publiés avant 1923) constituent 72 % du total (1665 / 2317), tandis que les éditions de livres encore sous copyright en constituent 28 % (652 / 2317). La date 1923 n'a pas été prise au hasard. C'est l'année où toutes les œuvres américaines sont passées dans le domaine public. Celles sorties après sont encore protégées pour la plupart.
"Le haut pourcentage d'éditions d'ouvrages du domaine public est sans doute causé par deux facteurs. D'abord, les livres du domaine public ont typiquement plus d'éditeurs et plus d'éditions par titre, dans la mesure où il n'y a plus d'ayant droit pour restreindre l'exploitation", note l'auteur.
Par ailleurs, "Amazon propose 'en stock' plusieurs nouvelles éditions de livres du domaine public vendus par un groupe croissant d'éditeurs qui impriment à la demande et qui tirent parti de la numérisation récente de nombreux anciens titres".
Et le professeur d'ajouter que "mes éditeurs ne semblent pas disposés à vendre leurs livres sur Amazon au-delà de quelques années après leur première publication. Les données suggèrent que les modèles économiques de l'édition font que les livres disparaissent rapidement après leur première publication et longtemps avant qu'ils ne soient prévus d'entrer dans le domaine public".
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