Deux ingénieurs de Google, dégoûtés par l'étendue des révélations sur l'espionnage électronique mis en œuvre par les agences de renseignement occidentales, ont laissé exprimer leur malaise sur leur page Google+ personnelle. Mais derrière un simple mouvement d'humeur préfigure peut-être le début d'une rébellion, au sein de Google ou à plus haut niveau, à l'IETF.

Simple mouvement d'humeur ou embryon d'une rébellion à venir ? Deux ingénieurs en charge de la sécurité chez Google sont revenus ces jours-ci sur les dernières révélations de la presse concernant l'espionnage des communications par les agences de renseignement occidentales. Sur leur page Google+, les deux employés de la firme de Mountain View ne cachent pas leur dégoût face à cette situation.

Dans son message, publié fin octobre, Brandon Downey explique avoir "passé les dix dernières années de [sa] vie à essayer de garder les utilisateurs de Google en sécurité face aux nombreuses menaces auxquelles Google est confronté" : botnets, attaques par déni de service, vers informatiques et logiciels malveillants en tout genre, soit pour nuire à l'usager, soit pour s'attaquer à Google lui-même.

Mais pour l'ingénieur, le plus perturbant n'est pas tant l'existence de ces attaques. C'est plutôt la perspective de savoir que les manœuvres les plus abouties sont l'œuvre des agences fédérales américaines, parfois aidées par une législation taillée sur-mesure. Pour lui, c'est "comme revenir chez soi après la guerre contre Sauron et la destruction de l'Anneau unique pour découvrir que la NSA est finalement au milieu de la Comté".

Même son de cloche chez Mike Hearn, qui se montre plus direct encore dans son message. "Malheureusement, nous vivons dans un monde où, trop souvent, les lois sont pour les petites gens. Personne au GCHQ ou la NSA ne se tiendra jamais devant un juge pour répondre du détournement de la procédure judiciaire à une échelle industrielle", a-t-il écrit.

"En l'absence d'une application fonctionnelle de la loi, nous n'avons plus qu'à faire ce que nous avons toujours fait en tant qu'ingénieurs : créer des logiciels plus sûrs", a-t-il ajouté, remerciant au passage Edward Snowden pour avoir eu l'audace d'informer l'opinion publique malgré les risques qu'il encoure aujourd'hui.

Au-delà de Google

Évidemment, il ne s'agit-là que de deux opinions remarquées par Christopher Soghoian, l'un des cadres de l'Union américaine pour les libertés civiles (ACLU), une association américaine. La réaction des deux ingénieurs n'est peut-être pas partagée par la totalité des 46 421 personnes travaillant chez Google. Cependant, elle illustre une relative révolte dans le secteur informatique.

Début novembre, le directeur international de l'Electronic Frontier Foundation, Danny O'Brien, expliquait qu'une logique nouvelle, correspondant à "l'esprit par définition libertarien des ingénieurs du Net, qui se méfient comme de la peste de la centralisation et sont horrifiés par les longs bras de la NSA" est en train de prendre de l'importance, "parce que la survie du business est en jeu".

L'un des signes de cette tendance libertarienne se situe dans la réunion de l'IETF, signalée par Stéphane Bortzmeyer sur son blog, qui se déroule actuellement à Vancouver. Actualité oblige, les discussions des membres du "détachement d'ingénierie d'Internet" portent notamment sur l'espionnage électronique massif de la NSA et les stratégies pour adapter la sécurité du net à cette nouvelle donne.

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