Un rapport remis le mois dernier par une commission d'enquête du Sénat propose de modifier la loi LCEN pour obliger les fournisseurs d'accès et les hébergeurs à bloquer les sites internet qui font la promotion de l'évasion fiscale.

C'est une proposition qui nous avait échappée, et sur laquelle la députée UMP Véronique Lowagie demande au Gouvernement de se prononcer. Le 17 octobre dernier, la Commission d'enquête du Sénat sur "le rôle des banques et acteurs financiers dans l'évasion des ressources financières et ses conséquences fiscales sur les équilibres économiques ainsi que sur l'efficacité du dispositif législatif, juridique et administratif destiné à le combattre" (ouf), a émis toute une série d'idées dans son rapport, dont celle-ci :

Proposition n° 31 : réfléchir, dans le cadre d’un débat sur la régulation de l’Internet, aux moyens pertinents de restreindre l’accès du public à des sites commerciaux offrant des montages « clés en main » d’évasion fiscale illégale ou proposant l’ouverture de comptes bancaires à de telles fins dans des territoires complaisants.

Dans son rapport, la Commission dénonçait les "services prêt-à-frauder", en notant que des sites internet se proposent de créer des sociétés offshore avec création de comptes à l'étranger pour quelques centaines d'euros seulement. "Il n’est pas nécessaire de se déplacer, ni même, parfois, d’avoir un contact direct avec un conseiller. Ainsi, certains sites Internet se sont fait une spécialité de la création, directement en ligne, de sociétés et de comptes en banque dans un paradis fiscal", s'indignait le rapport.

Dans l'oeil du cyclone, entre autres exemples, la société SFM Offshore, qui propose une quinzaine de juridictions "à taxation avantageuse" (Seychelles, Ile Maurice, Chypre, Hong Kong, Suisse,…). "L'accent est mis sur la confidentialité, la rapidité et la facilité d’enregistrement d’une société offshore ou d’un compte lié, pour des prix très modérés".

"La commission d’enquête estime que ce type de communication relève tout simplement de l’incitation à l’évasion et à la fraude fiscales", analysait le rapport. "Or la qualification juridique d’incitation à la fraude fiscale n’existe pas dans notre droit positif, et les poursuites sur le fondement de la complicité à la fraude fiscale ne couvrent qu’imparfaitement ces pratiques".

Les sénateurs proposent donc de compléter le droit sur ce point, en créant un délit d'incitation à la fraude fiscale, et une interdiction de la publicité pour des services d'évasion fiscale. Mais ils comprennent bien que le droit pénal français n'aura pas prise sur des sites internet établis à l'étranger, et qu'une telle mesure n'aura que peu d'effet en pratique.

D'où l'idée de proposer une modification de la loi pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN), "qui définit les obligations susceptibles d’être imposées aux fournisseurs d’accès et aux hébergeurs, notamment en présence de certains contenus particulièrement choquants (pédopornographie, etc.)", pour y introduire une obligation de blocage des sites incitant à l'évasion fiscale.

Mais il faut rappeler que le plus souvent, ces sites ne proposent aucun montage illégal, et qu'il est donc critiquable de chercher à rendre illégale la promotion de pratiques légales, et dangereux démocratiquement de vouloir bloquer des sites qui n'ont en eux-mêmes rien d'illégaux. C'est cette légalité d'origine qui permet leur existence à laquelle les pouvoirs publics doivent s'attaquer, pour rendre l'évasion fiscale elle-même illicite ou beaucoup plus complexe qu'actuellement. Les sites qui vendent des kits d'évasion fiscale clé en main ne sont que les symptômes anecdotiques d'une grave maladie.

Et si vraiment le filtrage du web était une solution (ce que l'on ne pense pas), la méthode la plus efficace ne serait pas de bloquer les sites qui permettent à des entreprises de frauder le fisc, mais de bloquer les sites internet de ces entreprises qui fraudent le fisc. Bloquez leur l'accès à leur clientèle, et la fraude fiscale deviendra tout de suite beaucoup moins attractive.

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