Le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel (CSA) a publié lundi son rapport annuel 2013 (.pdf), dans lequel l'autorité administrative confirme sa demande de ne plus réguler uniquement la télévision et la radio, ou leurs déclinaisons "à la demande", mais bien tout le web audiovisuel en France. Et surtout de créer un label "Site de Confiance" que les logiciels de contrôle parental et de filtrage auraient l'obligation de respecter pour s'assurer que la censure du web est effective — voir à ce sujet nos explications sur le mécanisme redoutable qui attend les internautes.
Le CSA demande ainsi au gouvernement de Manuel Valls, ce qui devrait être traduit dans la loi Création d'Aurélie Filippetti, de "donner au CSA une compétence de régulation des services audiovisuels numériques", lesquels auraient une définition particulièrement large inspirée des travaux du rapport Lescure — ce qui n'est pas une surprise puisque le coordinateur du rapport Lescure qui proposait d'étendre les pouvoirs du CSA s'est fait ensuite embaucher comme directeur de cabinet du CSA.
Ainsi, les "services audioivisuels numériques" serait entendus comme "les services de communication au public par voie électronique mettant à disposition du public ou d'une catégorie de public des contenus audiovisuels ou sonores". En clair, ce sont tous les sites qui diffusent des vidéos ou des podcasts audio, y compris les sites de vidéos personnelles comme YouTube ou Dailymotion, ou les services d'hébergement de musique comme Deezer ou SoundCloud. Ce ne sont plus seulement les vidéos professionnelles qui seront soumises à la régulation du CSA, mais aussi vos vidéos personnelles.
Toujours très flou dans ses demandes, le CSA se contente de proposer que ses règles soient appliquées "selon des modalités adaptées à la nature des services audiovisuels numériques".
Un pouvoir de mise à mort
Sur le fond, le CSA demande à appliquer son pouvoir de censure dans de nombreux domaines, dont il dresse la liste. Il s'agit de domaines à tiroirs, dont l'application risque d'être extrêmement large et soumise à aucun contrôle démocratique.
Tout d'abord, l'ensemble des services, qu'ils signent on non une convention avec le CSA, risqueront des sanctions en cas de manquements à :
- La protection de l'enfance et de l'adolescence ;
- La dignité de la personne humaine ; (on rappellera à ce sujet que le CSA considère que les vidéos de quenelles sont une atteinte) ;
- L'interdiction de l'incitation à la haine ou à la violence pour des raisons de race, de sexe, de moeurs, de religion ou de nationalité ; (sur ce point, certaines vidéos de rap pourraient être censurées)
Les services qui signent une convention avec le CSA — ils y seront incités pour obtenir des avantages, dont le fait de ne pas voir leur accès bloqué par les outils de filtrage qui bloqueront les sites n'ayant pas de label "site de confiance", devront aussi respecter des règles complémentaires en matière de :
- Déontologie des contenus ; (peut-on faire plus flou ?)
- Pluralisme des courants sociaux culturels ;
- Qualité et variété des contenus ;
- Image de la femme ;
- Diversité ;
- Exposition de la création européenne et d'expression originale française ;
- Contribution au financement de la création ;
- Tarifs sociaux / gratuité
Le rapport précise que les "services audiovisuels numériques" qui ne respectent pas les règles du CSA pourront être sanctionnés selon les modalités prévues à l'article 42-1 de la loi audiovisuelle du 30 septembre 1986. Celui-ci prévoit notamment la possibilité pour l'autorité administrative de prononcer "la suspension de l'édition, de la diffusion ou de la distribution du ou des services d'une catégorie de programme, d'une partie du programme", ou encore "une sanction pécuniaire assortie éventuellement d'une suspension de l'édition ou de la distribution du ou des services ou d'une partie du programme".
En clair, un pouvoir de mise à mort de n'importe quel site web qui diffuse de la vidéo ou du son, et qui déciderait de ne pas se soumettre à la censure administrative.
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