Lors d'une enquête publiée fin mars, Le Monde a dévoilé l'existence de liens très étroits entre la DGSE et Orange. La note des services secrets britanniques (GCHQ) consultée par le quotidien, et obtenue par Edward Snowden, indique en effet que l'agence de renseignement française a un accès "libre et total" aux infrastructures et aux données de l'opérateur historique.
Suite à la publication de ce dossier, une parlementaire s'est interrogée sur les contours du "cadre légal" évoqué laconiquement par Stéphane Richard, le PDG d'Orange, lorsqu'il a été questionné par le quotidien. D'après lui, les échanges entre les "services de l'État" et des "personnes habilitées secret-défense […] au sein de l'entreprise" sont prévus par la loi et "sous la responsabilité des pouvoirs publics".
Le problème, c'est que ce cadre légal n'a jamais été précisé par le chef d'entreprise pas plus qu'il ne l'a été par les autorités. Or aux yeux de la députée, "la lutte contre d'hypothétiques menaces terroristes ne saurait justifier, en effet, que les services de l'État s'affranchissent des règles de droit, au risque de porter atteinte aux libertés individuelles".
Trois semaines après la publication de la question écrite de Jacqueline Fraysse – qui n'a à ce jour toujours pas reçu de réponse – c'est désormais au tour de l'observatoire des libertés et du numérique (dont la Quadrature du Net est l'un des fondateurs) de ce saisir du sujet et de questionner le gouvernement sur les rapports entre Orange et la direction générale de la sécurité extérieure.
L'observatoire des libertés et du numérique monte au créneau
Notant que les informations du Monde n'ont pas été démenties, l'observatoire se montre plus direct que l'élue des Hauts-de-Seine en dénonçant des activités ayant "lieu hors de tout cadre légal et judiciaire". Pour les membres de ce jeune groupe de pression favorable aux intérêts des citoyens, la liaison entre Orange et la DGSE s'apparente à "une véritable opération de surveillance généralisée".
"Que vaut la soi-disant protection résultant de ce que l'accès au réseau passe par des demandes à l'égard des opérateurs, dans un contexte où certains de leurs agents travaillent main dans la main avec les services de renseignement en vue d'une surveillance de masse hors de tout cadre légal ?", ajoute l'observatoire, qui "exige que des réponses politiques, légales et pénales soient apportées à ces agissements".
Dressant un parallèle avec la plateforme nationale des interceptions judiciaires, qui repose sur un partenariat public-privé pouvant déboucher sur des rapports similaires à ceux entretenus par Orange et la DGSE, l'observatoire s'alarme des coups portés à l'État de droit et à la démocratie en laissant prospérer une surveillance des communications sans aucun encadrement légal.
C'est l'État de droit et la démocratie qui sont menacées lorsque tout citoyen voit ses communications et ses expressions personnelles surveillées hors de toute cadre légal. Le gouvernement a une obligation immédiate de faire toute la lumière sur ces dérives, de dire comment il entend y mettre un terme, et d'indiquer quelles procédures pénales seront engagées.
La réponse qu'aimerait obtenir l'observatoire de la part du gouvernement sur ce sujet est loin d'être acquise. En outre, il paraît encore plus improbable que l'exécutif rallie la position du lobby citoyen, tant l'impératif de la raison d'État – et donc la lutte contre le terrorisme – a pris le pas sur tout le reste. Et les révélations d'Edward Snowden n'ont pas radicalement changé la donne dans ce domaine.
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