Déjà repoussé à 2015, le projet de loi Numérique censé protéger les droits et libertés des internautes a peu de chances d'être débattu en début d'année prochaine. Axelle Lemaire le reconnaît elle-même implicitement.

Il avait d'abord été présenté comme un véritable "Habeas Corpus Numérique", en référence à la loi britannique de 1679 contre les détentions arbitraires, qui fut l'un des premiers textes de protection des libertés individuelles. Puis ces derniers mois, le projet de "loi sur les droits et libertés numériques" s'était insidieusement transformé dans la communication publique en "loi numérique", comme pour mieux traduire le virage d'un texte qui parlerait beaucoup moins de droits de l'Homme que d'économie, et qui ne parlerait plus de libertés que pour en fixer les limites.

Or plus le temps avance, plus la "loi numérique" semble s'embourber. Nous avions déjà vu qu'elle avait été repoussée à 2015, et des bruits de couloirs laissent entendre qu'elle ne verra jamais le jour. De consultations en concertations, le texte devrait finir par se faire oublier jusqu'à ce que le calendrier parlementaire déjà très chargé n'oblige à y renoncer totalement. D'autant que le choix officieux du ministère de la Culture de refourguer à Bercy la patate chaude d'un transfert des pouvoirs de l'Hadopi au CSA promet de rendre le texte plus difficile encore à défendre.

Il n'est donc pas étonnant de voir la secrétaire d'état au numérique Axelle Lemaire commencer à préparer les esprits à un abandon du texte. "Ce projet de loi est important, mais en deux mois je me suis quand même rendue compte que finalement, beaucoup de ce que j'aimerais faire ne relève pas du domaine de la loi", ménage-t-elle dans une interview à Next Inpact. "Je ne voudrais pas que ce projet de loi soit attendu comme le messie".

Une consultation suivie de concertations 

Officiellement, Axelle Lemaire dit encore espérer "une présentation en Conseil des ministres d'ici la fin de l'année, avec un examen du projet de loi au premier semestre 2015". Elle assure même que le texte fait toujours partie des priorités gouvernementales et qu'il s'inscrira dans la volonté de François Hollande et de Manuel Valls de "faire de l'année 2015 une année des lois qui parlent à nos concitoyens dans leur vie quotidienne, dont fait partie le numérique".

Mais le détail qu'elle fait elle-même du calendrier à suivre laisse peu d'espoirs (s'il faut espérer) à l'avenir du texte à court terme :

  • Une consultation publique organisée par le Conseil National du Numérique (CNNUm) qui devra s'ouvrir cet été et se poursuivre jusqu'à fin septembre, s'il est enfin officiellement saisi comme il doit l'être depuis de nombreux mois ;
  • Puis l'élaboration d'un brouillon de projet de loi enrichi des travaux du CNNUm, avec une phase de concertation interministérielle qui concernera notamment le ministère de la Justice, le ministère de l'intérieur, le ministère de la Culture, ou encore le ministère de la Décentralisation ;
  • Puis une consultation des autorités administratives indépendantes concernées par le texte (ARCEP, CNIL, CSA, Hadopi) ;
  • Une élaboration de projet de loi définitif ;
  • Puis la présentation en Conseil des ministres ;
  • Puis l'inscription au calendrier parlementaire.

"Sur le moment précis où ça passera en première lecture à l'Assemblée nationale, je ne peux pas le donner parce qu'il y a toujours des arbitrages et des contraintes politiques liées à l'actualité et à l'agenda parlementaire qui interviennent".

Prenons le pari que le texte finira par être reporté sine die.

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