Mardi, nous rapportions que les députés et sénateurs de la commission mixte paritaire, chargée d'arbitrer les différences entre les deux chambres parlementaires, s'étaient mis d'accord pour conserver le dispositif de censure des moteurs de recherche sur instruction de la police, qui avait été introduit au Sénat par un amendement présenté dans les dernières heures du débat par le Gouvernement.
Comme nous l'avions expliqué, l'amendement ajouté à l'article 9 sur le blocage administratif des sites terroristes avait été adopté par les sénateurs sur la base d'une explication mensongère du ministre de l'intérieur Bernard Cazeneuve. Il avait affirmé que le dispositif était identique à celui déjà prévu pour les sites de jeux d'argent non homologués, alors que celui-ci fait intervenir le juge judiciaire. Le compte-rendu officiel du Sénat nous rappelle les propos exacts du ministre, qui a soigneusement évité de dire que l'ARJEL devait faire la demande auprès d'un magistrat chargé d'en vérifier le bien-fondé, et non directement au FAI qui est chargé de l'appliquer :
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Ce sous-amendement tend à prévoir que l’autorité administrative peut demander, en plus du blocage de l’accès à certains sites, le déréférencement de ces sites.
Cette possibilité est déjà prévue à l’article 61 de la loi du 12 mai 2010 relative à l’ouverture et à la concurrence du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne, lequel permet à l’ARJEL, l’Autorité de régulation des jeux en ligne, de demander que soit prise « toute mesure destinée à faire cesser le référencement du site d’un opérateur mentionné au deuxième alinéa [dudit] article par un moteur de recherche ou un annuaire ».
Le déréférencement est une mesure simple et peu coûteuse à mettre en œuvre par le prestataire requis. Elle est d’ailleurs préconisée par la CNIL dans le cadre de la mise en œuvre du droit à l’oubli, ainsi qu’elle le précise aux pages 83 et 84 de son rapport de 2012.
Comme elle est complémentaire du blocage, nous proposons de compléter l’article 9 avec cette mesure.
L'argumentation n'avait soulevé aucune interrogation au Sénat, où l'amendement qui permet de censurer Google sur simple instruction de la police a été adopté sans coup férir. On pouvait toutefois espérer que les députés, informés de la manoeuvre, seraient plus attentifs devant la commission mixte paritaire (CMP). Mais non.
Le compte-rendu des débats de la CMP montre que l'ajout imposé à la dernière minute par le Gouvernement a été totalement ignoré par les parlementaires. Ils se sont contentés d'évoquer des détails sur le blocage des sites administratifs par les FAI, sans dire un seul mot du déréférencement des sites sur ordre administratif.
Les éventuels députés et les sénateurs alarmés pourront en dire un mot lors du débat en séance plénière (prévu le 4 novembre au Sénat, et une date encore inconnue à l'Assemblée), mais ne pourront pas modifier le texte. A ce stade de la procédure, seul le Gouvernement a encore un droit d'amendement. Les élus devront se contenter de voter pour ou contre l'ensemble du projet de loi anti-terroriste, or un rejet est plus qu'improbable.
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