Quelques jours après avoir signé un accord avec YouTube qui met fin à ses litiges sur les mêmes griefs, TF1 a obtenu une lourde condamnation de Dailymotion, qui sauf cassation devra verser plus de 1,2 million d'euros de dédommagement à la chaîne française et à ses filiales, pour n'avoir pas retiré suffisamment vite les vidéos piratées qui lui avaient été signalés.
Dans son arrêt (.pdf) publié par NextInpact, la Cour d'appel de Paris confirme et alourdit la sentence prononcée par le tribunal de première instance en septembre 2012. Dailymotion est condamné pour n'avoir rien fait après des mises en demeure reçues pour des centaines de vidéos qui étaient restées accessibles, alors que la loi pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN) n'accorde l'immunité aux hébergeurs qu'à la condition qu'ils agissent promptement pour retirer les contenus illicites dès lors qu'ils en ont connaissance.
La Cour a ainsi constaté 566 manquements de Dailymotion à son obligation de prompt retrait à l'égard de TF1. Elle retient un préjudice moyen de 2 000 euros par manquement, soit 1,132 million d'euros pour TF1, auxquels viennent s'ajouter 76 000 euros pour ses filiales LCI, e-TF1 et TF1 Video, et 15 000 euros de dommages et intérêts pour l'humoriste Gad Elmaleh qui s'était joint à l'affaire, en se plaignant d'une violation de ses droits moraux.
Les juges reprochent à Dailymotion non seulement de ne pas avoir supprimé les vidéos à temps, mais aussi de n'avoir pas "entrepris la moindre action à l’encontre des usagers expressément dénoncés comme utilisateurs abusif", c'est-à-dire de ne pas les avoir bannis. Des fautes qualifiées de concurrence déloyale et de parasitisme, qui engagent la responsabilité civile de l'hébergeur.
Un dédommagement, mais pas de filtrage
En revanche, TF1 demandait aussi à la cour d'appel de condamner Dailymotion à "retirer de son site tous les contenus illicites comportant les logos TF1 et/ou LCI et à supprimer (…) toute référence dans son moteur de recherche aux désignations TF1, LCI et aux titres des programmes visés dans le cadre de la présente instance".
La chaîne demandait en outre "la mise en place, pour une durée d’un an à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, d’un système de filtrage efficace et immédiat de leurs contenus protégés dont la diffusion illicite a été portée à la connaissance de (Dailymotion)". TF1 voulait ainsi bénéficier d'un système de notice and stay-down non prévu par les textes, qui permet de s'assurer qu'un contenu déjà retiré ne soit pas remis en ligne aussitôt.
Mais cette demande a été rejetée par la Cour, qui rappelle que "l’hébergeur n’étant pas soumis par la LCEN à une obligation générale de surveillance des informations qu’il transmet ou stocke, ni à une obligation générale de vigilance et de filtrage a priori, il n’y a pas lieu de faire droit aux demandes de retrait de tous les contenus comportant les logos TF1 et/ou LCI, et de mise en place d’un système de filtrage a priori des contenus mis en ligne sur ce site". Même si elle ne la cite qu'implicitement en évoquant la "jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne", la Cour d'appel de Paris suit ici l'arrêt Sabam du 16 février 2012.
Les juges ont toutefois confirmé que Dailymotion devait s'interdire toute suggestion des mots clés "TF1" et "LCI" dans son moteur de recherche, puisque ces mots permettent "d’accéder facilement aux programmes produits par ces deux sociétés et mis illicitement en ligne", ce qui dépasse le simple cadre de l'hébergement. Le service peut autoriser les recherches effectuées avec ces mots clés, mais elle ne doit pas suggérer de le faire.
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