L'eurodéputée pirate Julia Reda présentera mardi en commission son rapport sur la mise en oeuvre de la directive de 2001 sur le droit d'auteur dans la société de l'information, dans lequel elle plaide pour un large assouplissement des conditions de réutilisation des oeuvres. Mais sans remettre en cause les fondements du droit d'auteur ni exiger de révolution.

Ce fut une surprise lorsque le Parlement européen a choisi l'an dernier de confier à Julia Reda, la seule députée du Parti Pirate, le soin de préparer un rapport sur la mise en oeuvre de la directive 2001/29/CE sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information. Et un message fort envoyé à la fois aux ayants droit et à la jeunesse européenne, qui peut se sentir représentée par cette élue allemande. Mais c'était aussi un test pour vérifier la crédibilité du Parti Pirate et de ses propositions législatives.

C'est mardi que Julia Reda présentera son rapport à la Commission des affaires juridiques du Parlement européen. Mais il est déjà disponible en ligne, et permet de vérifier — s'il en était besoin — que le Parti Pirate n'est pas favorable à une suppression des droits d'auteur comme les détracteurs aiment à le prétendre, mais à une simple adaptation qui prend mieux en compte les besoins du public et des entreprises.

Ainsi dès le début de son rapport, Julia Reda prend soin de convenir que "le cadre juridique européen sur le droit d'auteur et les droits voisins est central pour la promotion de la créativité et de l'innovation", puis de reconnaître "la nécessité pour les auteurs et les artistes-interprètes d'être dotés d'une protection juridique pour leur oeuvre créative et artistique". Elle inclue même la reconnaissance du rôle et la nécessité de rémunérer les producteurs et les éditeurs, ce qui n'est pas la position la plus répandue au Parti Pirate. Mais même si la députée européen cherche à ménager les ayants droit en s'abstenant de propositions révolutionnaires qui n'auraient aucune chance d'adoption, son rapport reste rempli de propositions qui visent avant tout à rééquilibrer les droits.

Voici ainsi les propositions les plus fortes que nous avons retenues du rapport :

  • Réduire les barrières à la ré-utilisation des informations issues du secteur public, en écartant les oeuvres produites par le secteur public de toute protection au titre des droits d'auteur ;
     
  • Interdire les limitations à l'exploitation du domaine public, que ce soit par l'utilisation de mesures techniques (DRM) ou contractuelles, et reconnaître le droit des auteurs de renoncer à leurs droits en faveur du domaine public ;
     
  • Harmoniser les durées de protection des droits dans toute l'Union Européenne, sans excéder la durée de 50 ans post-mortem prévue par la convention de Berne (actuellement le droit européen pousse la protection de base à 70 ans après la mort de l'auteur) ;
     
  • Rendre obligatoires toutes les exceptions au droit d'auteur prévues par la directive de 2001, qui laisse à présent une marge d'appréciation aux Etats ;
     
  • Intégrer l'audiovisuel dans l'exception de courte citation ;
     
  • Expliciter le fait qu'un lien hypertexte n'est pas une communication au public susceptible de faire l'objet d'un droit exclusif (sur ce sujet, voir l'arrêt Svensson de la CJUE) ;
     
  • Admettre le "droit de panorama", c'est-à-dire la possibilité de diffuser des photos ou vidéos d'oeuvres, surtout architecturales, visibles en permanence dans l'espace public ;
     
  • Reconnaître que l'exception de caricature, de parodie et de pastiche s'applique quelle que soit la finalité du détournement ;
     
  • Autoriser le "data mining" et le "text mining" pour collecter automatiquement des données dès lors que l'utilisateur a la permission de lire l'oeuvre ainsi exploitée ;
     
  • Elargir l'exception pour l'éducation et la recherche à toutes les formes d'éducation, y compris non formelle, en dehors des seuls établissements scolaires ou universitaires ;
     
  • Affirmer un droit au prêt de livres numérisés par les bibliothèques, quelle que soit le lieu d'accès ;
     
  • Harmoniser les régimes et critères pour l'exception de copie privée et la rémunération correspondante ;
     
  • Rendre obligatoire la communication du code source ou des spécifications d'interopérabilité des DRM.
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