C'est un cadeau très particulier. Le 23 décembre 2014, Google a écrit à trois journalistes de Wikileaks, Sarah Harrison, Kristinn Hrafnsson et Joseph Farrell, pour les informer que la firme de Mountain View avait fourni au FBI l'ensemble des e-mails et d'autres informations qu'elle détenait sur eux, en vertu d'un mandat de perquisition daté de mars 2012, resté secret jusque là.
"Nous sommes stupéfaits et troublés par le fait que Google ait attendu plus de deux ans et demi pour informer ses abonnés qu'un mandat de perquisition avait été délivré pour leurs enregistrements", s'élève leur avocat Michael Ratner, dans un courrier adressé ce lundi au président de Google, Eric Schdmit.
Selon les infomations du Guardian, l'ordre signé par le FBI et placé jusqu'à une date inconnue sous le sceau du secret imposait à Google de livrer l'ensemble des contenus des e-mails des trois personnes concernées, envoyés et reçus, l'ensemble des brouillons, et des e-mails effacés sur Gmail. L'ordonnance exigeait aussi la fourniture des adresses source et de destination de tous les courriels, leur horodatage, et les métadonnées sur leur volume et longueur. Le FBI a également demandé tous les renseignements détenus par Google sur les moyens utilisés par les suspects pour accéder à ses services, y compris les données bancaires. En clair, Google devait livrer tout ce qu'il avait en possession sur les trois individus.
Google a indiqué avoir fourni des informations au FBI suite à cette demande, mais sans préciser s'il y avait donné totalement satisfaction, ou s'il a refusé de tout livrer. "Nous suivons la loi comme toute autre entreprise", s'est contenté d'expliquer Google au journal britannique.
"GOOGLE AIDE LE GOUVERNEMENT À VIOLER LA CONSTITUTION"
Dans sa missive, l'avocat demande au président de Google s'il a tout fait pour s'opposer à la requête du FBI, ou pour la rendre publique au plus tôt. Il rappelle que confronté à une situation similaire, Twitter s'était battu pour protéger les intérêts de l'eurodéputée Birgitta Jonsdottir, qui fut activiste et porte-parole pour Wikileaks.
Dans un livre publié à la rentrée dernière, Julian Assange avait dénoncé avec force les liens incestueux entre Google et le gouvernement américain, en particulier en matière d'affaires diplomatiques. "Les aspirations géopolitiques de Google sont fermement mêlées dans celles de l'agenda des affaires étrangères de la plus grande superpuissance mondiale. A mesure que le monopole de Google sur la recherche et les services Internet s'accroît (…), son influence sur les choix et les comportements sur la totalité des être humains se traduit en un véritable pouvoir d'influer sur le cours de l'histoire", avait-il écrit.
Interrogé par le Guardian, Julian Assage estime que cette nouvelle affaire montre que Google "se presse encore pour aider le gouvernement à violer la constitution, en délivrant les e-mails privés de journalistes en réponse à des réquisitions de type "donnez-nous tout ce que vous avez"".
La lettre de son avocat rappelle que lors d'un entretien avec Eric Schmidt le 19 avril 2011, un an avant l'ordre du FBI, Julian Assange avait demandé à Google qu'il adopte le même comportement de résistance que Twitter. Mais le patron du moteur de recherche s'était alors contenté de dire qu'il "ferait suivre" la demande au département juridique de Google, sans s'engager.
L'ordonnance du FBI s'était appuyée sur de prétendues violations des lois anti-espionnage des Etats-Unis, le vol de données appartenant à l'Etat, et la violation des lois contre les intrusions informatiques. Selon toutes vraisemblances, elle a été délivrée dans le cadre de l'enquête sur Bradley/Chelsea Manning, qui avait fourni à Wikileaks des centaines de milliers de documents confidentiels de la diplomatie américaine.
En août 2013, Manning avait été condamné à 35 ans de prison.
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