Le Conseil constitutionnel tenait audience mardi matin de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée par La Quadrature du Net, French Data Network et FFDN, concernant l'accès administratif aux données de connexion. Il s'agit de savoir si le cadre juridique de l'accès par les administrations aux données détenues par les opérateurs télécoms, défini par les articles L246-1 et suivants du code de la sécurité intérieure (issus de la loi de programmation militaire de 2013) est suffisamment précis et proportionné aux objectifs poursuivis.
Dans le fond, il s'agit surtout de savoir jusqu'où l'Etat peut aller dans la collecte de "métadonnées" qui ne disent rien du contenu-même des communications, mais renseignent fortement les services administratifs sur leur contexte : qui appelle qui, à quelle heure, où, qui envoie des e-mails à qui, de quelle taille, avec des pièces jointes ou non, chiffrés ou non,…
A cette occasion, le représentant du gouvernement est revenu sur l'un des arguments présentés par les associations, selon lesquelles la loi aurait dû aménager une protection du respect de la confidentialité des échanges entre un avocat et son client, ou entre un journaliste et ses sources. Aucun mécanisme particulier n'a en effet été institué pour s'assurer que leurs données de connexion ne soient pas collectées sans passer par un juge. Mais pour le gouvernement, le secret professionnel des avocats s'arrête au contenu de l'enveloppe, et non à l'enveloppe elle-même.
PAS DE SECRET POUR LES MÉTADONNÉES
"Le fait que les correspondances entre un client et son avocat est couvert par le secret professionnel a pour but de protéger les droits de la défense, ce qui suppose en particulier que nul ne pourra contribuer à sa propre incrimination", a ainsi rappelé Matignon devant les juges du Conseil constitutionnel. "C'est pourquoi le secret professionnel des avocats a pour objet d'assurer la confidentialité du contenu des échanges afin d'éviter que d'éventuels propos tenus par des clients ne leur nuisent s'ils étaient divulgués".
"Or l'accès aux données de connexion ne peut conduire à aucune révélation d'aucun propos ou d'aucune note, consultation ou correspondance", a-t-il conclu.
Le Gouvernement continue donc de refuser obstinément de mettre sur un même plan la violation du secret du contenu des correspondances et la violation des données confirmant l'existence et le contexte de ces correspondances, malgré un mouvement doctrinal mondial qui tend désormais à reconnaître que les deux doivent être observés avec la même vigilance. Le droit au secret de la correspondance ne doit pas être uniquement de cacher le contenu de la correspondance, mais de cacher le fait même que l'on corresponde.
L'avis du Conseil, qui sera déterminant pour le projet de loi Renseignement, devrait être rendu vendredi prochain.
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