Des deux côtés de la Manche, les deux Premiers ministres s'attellent à mettre en oeuvre la réplique gouvernementale à la diffusion de la propagande djihadiste, qui conduit des jeunes de chaque pays à s'engager moralement ou militairement aux côtés de l'Etat Islamique. Dans un même tempo qui ne doit rien au hasard puisqu'il s'agit d'une stratégie concertée au niveau européen, Manuel Valls et David Cameron se relaient depuis plusieurs mois pour dénoncer le rôle qu'auraient les acteurs du Net dans la libre circulation d'idées qui, sans être illégales par elles-mêmes, conduiraient aux extrémismes violents.
Cette semaine, le Premier ministre britannique a réitéré sa proposition faite en mai dernier, de cesser d'être "une société tolérante et passive, qui disait à ses citoyens : tant que vous obéirez à la loi, nous vous laisserons tranquille". Dans un long discours sur l'islamisme radical prononcé cette semaine, David Cameron assume très ouvertement sa volonté de priver de parole ceux qui tiennent un discours légal mais qu'il estime dangereux pour la société, notamment les partisans des "théories du complot". Il veut abolir le critère de l'appel à la violence, qui distinguait jusqu'ici en Grande-Bretagne les propos admissibles de ceux qui ne l'étaient plus.
"Ce que nous combattons, dans l'extrémisme islamiste, est une idéologie. C'est une doctrine extrême. Et comme toute doctrine extrême, elle est subversive. (…) Vous n'avez pas besoin de soutenir la violence pour adhérer à des idées intolérantes qui créent un climat où les extrémistes peuvent fleurir", a-t-il expliqué. "Toute stratégie qui vise à défaire l'extrémisme doit affronter, de plein front, l'idéologie extrême qui le sous-tend. Nous devons prendre ses composantes morceau par morceau — la vision sectaire du monde, les théories du complot et, oui, les aspects dits glamour aussi".
"Nous ne laisserons pas ces théoriciens du complot gagner".
"JE N'Y CROIS PAS"
Le chef du gouvernement britannique prévoit donc d'annoncer un plan détaillé de contre-propagande à l'automne, qui contiendra un volet concernant internet. L'occasion pour David Cameron de livrer une nouvelle charge, violente, contre les géants du Web qui refusent de plier à la censure ou à l'abandon du chiffrement.
"Il faut que nos entreprises d'internet aillent plus loin pour nous aider à identifier de potentiels terroristes en ligne. Beaucoup de leurs modèles commerciaux sont construits sur des plateformes qui surveillent des données personnelles, les emballent et les vendent à des tiers. Et quand il s'agit de faire ce qu'il faut pour le business, ils sont contents de concevoir des technologies qui tracent nos "j'aime" et nos "j'aime pas". Mais quand il s'agit de faire ce qu'il faut faire pour combattre le terrorisme, nous entendons trop souvent que c'est trop difficile".
"Et bien, je suis désolé, je n'y crois pas. Elles — les entreprises d'internet — ont montré avec le travail viral qu'elles réalisent pour réprimer les images d'abus d'enfants qu'elles pouvaient s'activer quand il y avait un impératif moral à agir. Et il est maintenant temps pour elles de faire la même chose pour protéger leurs utilisateurs contre le fléau de la radicalisation".
L'appel à accentuer la censure privée est très net, et trouve déjà satisfaction dans l'opération mise en oeuvre avec Europol, qui contacte directement les plateformes pour faire supprimer des comptes ou des contenus qui ne sont pas en contradiction avec la loi, mais dont le comportement peut être contraire aux conditions contractuelles des Facebook, Twitter, Google+ ou autres.
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