Le Conseil constitutionnel a donc rendu sa décision sur la loi sur le renseignement. Sans surprise, le gros du texte a été approuvé, dont les boîtes noires. Seuls deux points ont été rejetés : d'une part la possibilité d'installer des moyens de géolocalisation ou d'écoute sans recourir à l'autorisation préalable du Premier ministre et à l'avis de la CNCTR et d'autre part les mesures de surveillance internationale.
Évidemment très attendue au regard de la sensibilité du texte, l'analyse du Conseil constitutionnel a provoqué de nombreuses réactions depuis jeudi soir, date à laquelle la décision a été publiée. Voici les principales :
LES PARTISANS SALUENT LA SAGESSE DU CONSEIL…
Dans un communiqué publié sur le site de l'Élysée, François Hollande note que le Conseil juge cette loi "conforme aux droits et libertés" tout en donnant "aux services de renseignement des moyens modernes et adaptés à la menace à laquelle nous sommes confrontés". Prenant acte des articles censurés, le chef de l'État estime que leur retrait "ne modifient en aucune façon l’équilibre de la loi".
Plus laconique, le premier ministre Manuel Valls a diffusé un tweet dans les minutes qui ont suivi la validation du texte par le Conseil constitutionnel. "La France a désormais un cadre sécurisé contre le terrorisme et respectueux des libertés. C’est un progrès décisif !", écrit-il.
La satisfaction est aussi palpable chez les rapporteurs du texte.
Pour le député Jean-Jacques Urvoas, qui a porté le texte à l'Assemblée nationale, "le Conseil constitutionnel ne retient aucun des griefs médiatiquement matraqués et valide quasiment-totalement la loi sur le renseignement". Et d'ajouter plus tard que le Conseil "a dit le droit. La loi sur le renseignement est conforme à la Constitution. Les libertés individuelles et collectives sont garanties".
Au niveau du Sénat, Jean-Pierre Raffarin considère que les membres de la rue de Montpensier ont, "par leur avis, levé les inquiétudes quant à la loi sur le renseignement".
LES OPPOSANTS PLEURENT l'État DE DROIT
Évidemment, le son de cloche est tout autre du côté des opposants.
La Quadrature du Net estime que cette décision "légalise la surveillance de masse et avalise un recul historique des droits fondamentaux". Décrite comme "extrêmement décevante", elle illustre la démission du Conseil "de son rôle de garant des droits et libertés" et "contribue ainsi à saper les fondements même de la démocratie". "La raison d'État s'est brutalement imposée à l'État de droit".
Pour le Syndicat de la Magistrature, "la déraison d'État a fait son chemin jusque sous la plume du Conseil constitutionnel". Critiquant les "motivations péremptoires" pour approuver un système de surveillance massive des populations, le syndicat juge cette décision "désastreuse" : "la démocratie devrait pourtant être en berne : la France vient de faire le choix de la raison d'État contre les libertés".
De son côté, l'avocat Rubin Sfadj, qui avait contribué à la rédaction d'un mémoire pour éclairer le Conseil constitutionnel, s'est fendu d'un billet de blog pour s'interroger : "la Vème République a-t-elle une Constitution ?". Décrivant lui aussi une décision "effroyable", "illisible" et "absconse", il s'interroge sur la réelle capacité du Conseil constitutionnel à remplir son rôle convenablement.
Même réaction chez Amnesty International, qui écrit que cette conclusion "est un coup majeur porté à la vie privée et à la liberté d’expression en France". Dans son communiqué, qui revient en détail sur la loi et la décision du Conseil, "les mesures de surveillance désormais autorisées sont complètement disproportionnées. De larges pans de la population de la France pourraient bientôt se trouver sous surveillance pour des raisons obscures et sans autorisation judiciaire préalable".
D'AUTRES RÉACTIONS ATTENDUES
D'autres organisations, qui s'étaient mobilisées significativement contre la loi sur le renseignement, n'ont pas encore eu l'occasion de faire connaître leur point de vue.
C'est notamment le cas de la Ligue des Droits de l'Homme, de Reporters Sans Frontières, le Centre d'Études sur la Citoyenneté, l'Informatisation et les Libertés, de Human Rights Watch, de l'ASIC, de la Commission nationale consultative des droits de l'Homme, de l'Union syndicale des Magistrats, du Conseil national du numérique ou encore de l'Ordre des avocats de Paris.
Nous mettrons cette actualité à jour en fonction des réactions.
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