Dans le cadre de la loi sur le renseignement, François Hollande propose Francis Delon pour diriger la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement. Mais ce choix fait polémique.

Validée en quasi-totalité par le Conseil constitutionnel, qui n'a censuré que des dispositions accessoires sans vraiment développer son argumentaire, la loi sur le renseignement est pour l'instant inapplicable. En effet, bien que promulguée depuis des semaines, elle dépend pour une large part de la nomination du président de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR).

Le choix du président de la CNCTR revient au président de la République, selon le cadre prévu par le 5ème alinéa de l'article 13 de la Constitution, c'est-à-dire après avis des commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat, qui disposent d'un droit de veto (mais sera-t-il utilisé ?). Et justement, François Hollande a trouvé un candidat : Francis Delon.

CONSEILLER D'ÉTAT MAIS PAS QUE

Qui est Francis Delon ? Le communiqué diffusé par l'Élysée est laconique. Il est présenté comme un conseiller d'État. Plus loquace, le site Libertés Surveillés, tenu par le journaliste Franck Johannès, retrace son parcours au sein de la plus haute juridiction administrative et, bien plus intéressant, met en lumière la "certaine expérience" de l'individu dans les affaires militaires.

En effet, Francis Delon a d'abord été secrétaire général de la défense nationale de 2004 à 2010 (le décret de nomination) puis secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale entre 2010 et 2014 (le décret de nomination). Il est donc, par la force des choses, un spécialiste du secret (la protection du secret de la défense nationale est l'une des missions majeures du SGDSN).

UN MAUVAIS SIGNAL ENVOYÉ

Il n'en fallait pas moins pour déclencher une polémique. Pour la Quadrature du Net, cela "augure mal de la défense des citoyens français face à la surveillance" si cette nomination est approuvée. Il est à craindre, ajoute l'association, que la CNCTR se préoccupe d'abord de l'intérêt des agences de renseignement avant de se consacrer au service de la population.

"Comment ne pas craindre qu'un praticien émérite du secret-défense et de la raison d'État ne soit pas la personne la mieux placée pour contrôler, questionner, enquêter sur les écoutes et accueillir les demandes de vérification de citoyens, inquiets de l'ampleur des moyens et objectifs des services de renseignement ?", poursuit l'association, qui plaide pour une personnalité au C.V. irréprochable.

QUID DU PRÉSIDENT DE LA CNCIS ?

Reste une interrogation. Dans le cadre de la loi sur le renseignement, la CNCTR remplace la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS), qui est actuellement présidée par Jean-Marie Delarue. Pourquoi n'a-t-il pas été choisi pour diriger la nouvelle structure ? Il aurait été utile au regard de son expérience dans le CNCIS.

Les informations divergent sur ce point. D'après le journaliste Franck Johannès, il a été "écarté" car "jugé trop indépendant" malgré l'immense respect dont il fait l'objet. Mais Pierre Alonso, de Libération, pointe le communiqué du Conseil d'État qui évoque une autre version des faits : Jean-Marie Delarue "n’a pas souhaité être candidat à cette fonction".

( photo : CC BY SDA )


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