En France, le conseil de la concurrence avait refusé en 2004 de condamner Apple qui était à l’époque poursuivi par VirginMega. Le disquaire en ligne reprochait à la firme de Steve Jobs de ne pas ouvrir à la concurrence l’utilisation de son format de DRM FairPlay, le seul qui peut être lu par l’iPod. Le poids écrasant de l’iPod sur le marché du baladeur MP3 donnait alors à Apple un avantage considérable, puisqu’il était à la fois le principal vendeur de baladeurs au monde et le seul capable de lui associer un service de vente de musique en ligne.
« L’accès au DRM Fairplay n’est pas indispensable pour le développement des plate-formes légales de téléchargement de musique en ligne », avait pourtant jugé le Conseil, dans une décision avant-gardiste. La juridiction avait été très critiquée mais elle avait en fait entièrement raison puisque deux ans plus tard, la Fnac et Virgin se décidaient enfin à vendre de la musique au format MP3 sans DRM, lisible par l’iPod. Aux Etats-Unis le numéro deux de la musique en ligne n’est autre qu’eMusic, qui vend également exclusivement de la musique au format MP3.
Pour Apple l’interopérabilité est contraire à la concurrence
Pour autant, une plainte a été déposée par une consommatrice américaine le 21 juillet. Melanie Tucker indique au juge qu’elle a acheté un iPod et que la politique industrielle d’Apple l’empêche d’aller acheter de la musique chez les plate-formes concurrentes. Elle rappelle par exemple que le contrôleur PortalPlayer installé dans son iPod de 20 Go est en théorie capable de lire le format WMA de Microsoft, utilisé par la plupart des plate-formes alternatives à iTunes, mais qu’Apple a exigé du fabricant que la fonction soit désactivée.
Apple a cherché à faire débouter Tucker de sa demande, en indiquant au juge le 6 novembre (.pdf) que « imposer une obligation d’interopérabilité restreindrait l’innovation et les avancées technologiques que les lois antitrust sont spécifiquement censées promouvoir ». C’est la première fois qu’Apple pointe explicitement du doigt l’interopérabilité et la refuse sans aller chercher des arguments absurdes, tel Steve Jobs qui prétend que les consommateurs n’ont jamais demandé l’interopérabilité… C’est aussi la confirmation qu’en France la future Autorité de régulation des mesures techniques (ARMT) aura bien du mal à imposer l’interopérabilité face au numéro un de la musique en ligne.
« En résumé, les lois antitrust exigent des entreprises qu’elles se fassent concurrence, pas qu’elles coopèrent entre elles », se défend Apple. Pour la firme de Cupertino, le fait de permettre à d’autres acteurs de proposer de la musique protégée compatible avec son baladeur serait donc le contraire d’une ouverture à la concurrence. L’argument n’a pas convaincu le tribunal. Le 20 décembre (.pdf), le juge James Ware a rejeté la demande de renvoi formulée par Apple.
Le procès va pouvoir s’ouvrir et seulement alors le tribunal examinera les motifs industriels évoqués par Apple pour sa défense. Il y a de grandes chances que le juge prenne le même chemin que le Conseil de la concurrence français. Mais le procès aura au moins le mérite d’avoir déjà mis un peu plus en lumière la stratégie d’Apple. Comme le rappelle Larry Dignan dans ZDNet, le fait de lier le software et le hardware dans un même ensemble qui exclue la concurrence a toujours été dans les plans d’Apple, et ça lui a d’ailleurs coûté cher pour le Mac qui n’a jamais réussi à s’imposer face au PC. Jusque là, personne ne s’en offusquait puisqu’Apple avait une part de marché limitée. Avec la musique en ligne, la partition est différente. Pour la première fois, Apple est en position dominante.
Y a-t-il pour autant abus ? Ce sera aux tribunaux et aux autorités étatiques d’en juger.
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