Alors que nous évoquions hier la main tendue par les opérateurs télécom concernant le financement des chaînes publiques après suppression de la publicité, Jean-François Copé a tenté d’être plus clair quant aux options envisagées par la commission Nouvelle Télé Publique, en charge du dossier.
« Il y a plusieurs scénarios possibles » a-t-il déclaré à la presse. Premier choix : augmenter la redevance TV, aujourd’hui établie à 116 euros. Christine Albanel s’est déjà montrée favorable à cette option ; Nicolas Sarkozy nettement moins car cela irait à l’encontre de ses engagements électoraux. C’est vers cette solution que va aussi la préférence de sociétés d’auteurs comme la SACD ou la Sacem.
Notons au passage que cette redevance serait étendue aux appareils équipés d’un tuner TV. Cette extension risque de ne pas être accueillie avec enthousiasme par les consommateurs. Mais, d’un autre côté, et en dehors de toute polémique concernant la suppression de la publicité sur les chaînes publiques, elle paraît inéluctable. Est-il logique, en effet, que ceux qui possèdent un téléviseur soient assujettis à cette taxe et pas ceux qui profitent d’un même contenu sur un ordinateur ? Avec la diversification des supports pour recevoir la télévision, il semble nécessaire que tout le monde soit mis sur un pied d’égalité.
La deuxième option, à laquelle se montre favorable Jean-François Copé, ce serait la taxation des opérateurs Internet, des téléphones mobiles sur leur chiffre d’affaire, la taxation des chaînes privées sur leurs recettes publicitaires, ainsi qu’une plus large part de la redevance accordé à France Télévision. « L’idée, elle est simple » explique Patrice Martin-Lalande, membre de la commission. « Quel que soit celui qui produit et qui diffuse à la télévision, [il doit être] traité de la même manière ». Simple ? On ne peut s’empêcher pourtant de constater la complexité de sa mise en œuvre.
Pendant que les chaînes privées se font taxées sur leurs recettes publicitaires, les opérateurs et FAI, eux, le sont sur leur chiffre d’affaire (on parle de 0,5 %). C’est ce qui fait monter Frank Esser au créneau, lorsqu’il exige que tout le monde soit traité également, et que les opérateurs et FAI soient taxés sur leurs recettes publicitaires plutôt que sur leur chiffre d’affaire. On le comprend ; il va falloir trouver une mesure juste pour tout le monde. Quant aux chaînes privées, elles semblent déjà s’être préparées à protester dans l’hypothèse d’une extension de la taxe à leur chiffre d’affaire puisqu’elles viennent de monter l’Association des Chaînes privées pour défendre d’une même voix leurs intérêts.
Pour ce qui concerne la part plus grande de la redevance mangée par France Télévisions, cela ne serait pas non plus dénué de conséquences. Ce que l’on prend d’un côté est retiré aux autres. La commission aurait donc prévu dans ce cas de figure de gratter sur la part de RFI et de l’INA pour un total de 140 millions d’euros. Au lieu d’avoir moins de moyens pour France Télévision, on préférerait en donner moins pour la radio publique et l’institut ? Non, car la commission a tout prévu. Le manque à gagner de ces deux structures serait compensé par l’Etat, et une partie des taxes évoquées ci-dessus. Une compensation de manque à gagner sur une somme retirée pour compenser un autre manque à gagner.
Effectivement, « L’idée, elle est simple » comme nous disait Patrice Martin-Lalande. En fait, ce que l’on voit surtout ici, c’est la volonté de piquer un peu partout en promettant toujours de minimiser ou de compenser le manque à gagner pour que personne ne se fâche trop rouge, quitte à ce que la manœuvre politique soit à ce point alambiquée.
Reste toujours une troisième option ; une taxe sur l’électronique grand public. Et Jean-François Copé de préciser que chacun des scénarios n’est « ni exclusif, ni définitif ». Rappelons que la suppression de la publicité se fera en deux étapes. D’abord, celle des publicités après 20 heures à partir du premier septembre 2009 ; ensuite, la totale à partir du 1er janvier 2012.
« Je ne crois pas qu’il y ait urgence » disait Christine Albanel à ce sujet. Il n’empêche que pour l’instant, c’est vers un joyeux bordel que semble se diriger la commission. On cultive le flou, on essaie de minimiser et on privilégie la solution la plus complexe pour que personne n’y comprenne plus rien. On n’a que trop l’habitude de voir se manifester chez nos politiques cette preuve de courage, en particulier lorsqu’il s’agit de s’attaquer à un problème qu’ils semblent avoir eux-même crée.
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