Depuis que le P2P a fait son apparition à la fin des années 1990, les maisons de disques ont déployé tous les moyens possibles pour faire la chasse aux éditeurs de logiciels de P2P, puis à leurs utilisateurs. Mais malgré cela, le chiffre d’affaires des maisons de disques a été divisé par deux en cinq ans. Et si c’était à refaire ? C’est la question qu’a posé François Sorel au PDG d’Universal Music France Pascal Nègre, sur BFM, dans son émission De Quoi J’Me Mail du 6 juin 2008. Réponse de l’intéressé :
« Le problème c’est que les maisons de disques ne sont pas maîtres de leur destin. Evidemment que moi je voudrais, comme les consommateurs de musique, qu’on ait des DRM qui soient interopérables. C’est pas le cas, parce que tout à coup, Apple a une stratégie, Microsoft en a une autre, et puis voilà« .
« Deuxièmement, des FAI comme Wanadoo (Orange) à l’époque, ont fait une campagne de 4×3 dans Paris pour dire ‘Abonnez-vous à Wanadoo et téléchargez toute la musique que vous aimez’. Y avait pas un site légal. »
En résumé, le seul regret de Pascal Nègre, c’est la faute des autres. Surtout, le Président d’Universal Music reste indécrottable sur la question des DRM. Il reste convaincu que le problème des DRM, ça n’est pas le fait qu’ils sont un obstacle placé dans les pieds de ceux qui payent, et qui est évité gratuitement par ceux qui piratent, mais le fait qu’ils ne seraient pas interopérables. Pire, il reste persuadé que les consommateurs « souhaitent » des DRM interopérables.
Voilà dix ans que le patron de plus grande maison de disques française rumine dans son coin et accuse les industries informatique, alors que nous répétons inlassablement depuis les premières heures que l’interopérabilité est une chimère et qu’elle ne pourra jamais voir le jour, aussi bien pour des impératifs techniques que commerciaux. Pascal Nègre en a enfin pris conscience, mais il se refuse encore à tourner la page et à abandonner son rêve d’un monde où la consommation de la musique serait parfaitement contrôlée par la technique. Triste.
Comme pour se convaincre lui-même ou pour convaincre son auditoire que les DRM restent souhaitables, Pascal Nègre va même dans l’interview jusqu’à oser dire qu’aux Etats-Unis, le marché du numérique est deux fois plus performant qu’en France bien qu’il soit « presque exclusivement avec DRM ». Soit Pascal Nègre ne connaît pas son marché, soit il ment allègrement. La plateforme eMusic est restée longtemps le deuxième acteur du marché derrière iTunes, justement parce qu’elle a abandonné très tôt les DRM. Aujourd’hui une autre plateforme importante s’impose et fait progresser derrière elle tout le marché de la musique numérique, parce qu’elle vend exclusivement des MP3 sans DRM : Amazon. Pardonnez du peu.
On serait tenté de dire que le patron d’Universal Music ment volontairement. Il le fait déjà à propos de la riposte graduée lorsqu’il dit qu’aux Etats-Unis, en Angleterre, en Australie ou aux Pays-Bas, les internautes sont déjà avertis par e-mail par leur FAI lorsqu’ils téléchargent des contenus protégés par le droit d’auteur. S’il y a bien des projets ou des expérimentations (en Grande-Bretagne avec Virgin), le système est loin d’être aussi répandu et systématique qu’il le prétend.
Mais c’est peut-être vraiment de l’incompétence et une ignorance de son marché. A la fin de l’interview avec François Sorel, Pascal Nègre jette tout son dévolu sur les offres segmentées par abonnement. Or s’il y a bien un enseignement venu de ces Etats-Unis qu’il érige en exemple, c’est justement que le marché de la musique par abonnement ne décolle pas, et s’apprête même à décroître.
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