Les internautes sont-ils les premiers que les artistes doivent accuser pour leurs pertes de revenus ? Ratiatum dresse une liste anecdotique mais significative d’au moins 52 grands artistes français qui ne sont pas rémunérés équitablement par l’industrie musicale elle-même.

Chaque année, les sociétés de gestion collective comme la Sacem collectent et répartissent les droits que touchent les artistes au titre de la diffusion de leurs œuvres sur les ondes radio, sur chaînes de télévision, dans les discothèques, dans restaurants, ou encore au titre de leur enregistrement sur les CD ou au titre de la copie privée. Mais chaque année, une partie des sommes qui devraient aller aux artistes sont classées dans une colonne « irrepartissable », car ces sociétés de gestion disent ne pas trouver l’artiste. Concrètement, elles ne savent pas où envoyer le chèque dû à un artiste qui a pourtant touché des droits – soit parce qu’elles n’ont pas clairement identifié l’artiste à cause d’imprécisions dans les relevés, soit parce que son adresse est inconnue. En France, après un délai de blocage ces sommes sont affectées pour le financement d’actions culturelles dont le champ est très large et peut aller jusqu’aux actions de propagande anti-piratage.

Publié en mars 2006, le troisième rapport (.pdf) de la commission permanente de contrôle des sociétés de perception et de répartition des droits fait étrangement l’impasse sur le niveau des irrepartissables de la Sacem. Les cases sont vides. La Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique ne communiquent pas sur ces données, et ne publie pas la liste des artistes non identifiés ou dont l’adresse est invalide.

Aux Etats-Unis, la société de gestion collective SoundExchange s’est spécialisée dans la collecte et la répartition des sommes dues au titre des passages sur les médias numériques, radios satellites ou webradios. Par nature, ces techniques de diffusion numériques offrent une certaine sécurité pour identifier les artistes, dont les noms sont encapsulés dans les métadonnées des fichiers diffusés. Et pourtant elle vient de publier une liste de 8897 artistes impayés dont les droits sont pour elle « irrepartissables » ! On y trouve des artistes américains réputés comme Public Enemy ou Jeff Buckley, mais aussi de nombreux artistes étrangers.

Jean-Jacques Goldman et Mc Solaar remercient Ratiatum

Ratiatum a identifié dans cette liste 52 artistes français parmi les plus populaires (voir ci-dessous), qui n’ont pas reçu le chèque qui leur était dû. Johnny Hallyday, Patrick Bruel, Jean-Jacques Goldman, ou Julien Clerc en font par exemple partie, et les sommes ne sont pas nécessairement anecdotiques. Aux Etats-Unis, plus de 6 millions d’Américains sont abonnés à un service de radio satellitaire. Nous invitons ces 52 artistes français à contacter SoundExchange pour obtenir la rémunération qui leur est due, et surtout nous les invitons à se poser des questions sur les vrais problèmes de la filière musicale aujourd’hui.

Si une société qui gère des droits numériques avec un système entièrement informatisé a tant de mal à trouver la trace d’artistes pourtant très réputés, qu’en est-il des sociétés de gestion comme la Sacem, l’Adami, l’Ascap, la BMI… qui pour l’essentiel fonctionnnent encore avec des relevés grifonnés sur des bouts de papiers et saisis par des opérateurs ? Comment se fait-il qu’une liste telle que celle présentée par SoundExchange ne soit pas également publiée (et pas uniquement sur Intranet) par la Sacem ?

Surtout, avant d’attaquer les internautes pour qu’ils payent encore et toujours plus pour écouter leur musique, ces artistes ne devraient-ils pas commencer par poser des questions à leur propre industrie et réclamer les sommes qui ont été payées et qui ne leur sont pas versées ? L’exemple de SoundScan n’est qu’un exemple, mais il est révélateur de l’archaïsme de la filière musicale et du manque d’auto-critique de la part de ses principaux acteurs : les artistes.

L’industrie informatique et l’industrie du disque répondra que les DRM sont la meilleure solution pour un reporting efficace. Mais c’est d’abord et avant tout une plus grande rigueur de gestion qu’il faut exiger, et qui se fera au bénéfice de tous et non pas seulement d’industriels avides de contrôle sur le public et les œuvres.

Voici la liste dégagée par Ratiatum, nécessairement incomplète :

ADAMO
AFFAIRE LOUIS TRIO
ALAIN BARRIERE
ALAIN BASHUNG
ALAIN CHAMFORT
ALAIN MORISOD
ALAIN SOUCHON
ANAIS & DIDIER BARBELIVIEN
AXELLE RED
BALAVOINE
BARBARA DOUST
BERNARD LAVILLIERS
BERTIGNAC
BRUEL
CHARLES TRENET
EDDY MITCHELL
EDITH PIAF
ENRICO MACIAS
ENZO ENZO
FRANCE GALL
FRANCOISE HARDY
FREDERICKS GOLDMAN JONES
GAROU (québecois)
GEORGES BRASSENS
GEORGES MOUSTAKI
I AM
IL ETAIT UNE FOIS
IMAGES
INDOCHINE
ISABELLE BOULAY (québecoise)
JEAN JACQUES GOLDMAN
JEAN FERRAT
JEAN-LOUIS AUBERT
JEAN-LOUIS MURAT
JOHNNY HALLYDAY
JULIEN CLERC
LAAM
LAURENT VOULZY
LOUIS CHEDID
LOUISE ATTAQUE
MC SOLAAR
MANO NEGRA
MICHEL POLNAREFF
NINO FERRER
NOIR DESIR
OPHELIE WINTER
PATRICK JUVET
PHILIPPE LAVIL
POW WOW
RICHARD ANTHONY
RICHARD COCCIANTE
SERGE LAMA
VANESSA PARADIS
WILLIAM SHELLER
ZAZIE

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