Les sénateurs examinent ce mardi une proposition de loi « tendant à renforcer l’efficacité de la lutte antiterroriste », qui vise de nouveau à étendre l’arsenal sécuritaire, non seulement contre le terrorisme, mais aussi contre des délits de droit commun. Y compris sur Internet.

Le départ surprise de Christiane Taubira aura sans doute pour conséquence de retarder l’examen de la loi de procédure pénale qu’elle avait soumis au Conseil d’État, mais l’essentiel de ses propositions visant à renforcer les moyens de la lutte anti-terrorisme sont d’ores et déjà repris. Le Sénat entame en effet ce mardi l’examen d’une proposition de loi « tendant à renforcer l’efficacité de la lutte antiterroriste », qui s’inspire très fortement du projet de loi Taubira pour muscler de nouveau la politique sécuritaire, notamment sur Internet, mais sous l’angle judiciaire. Les deux textes ont été dictés par les demandes des services antiterroristes.

Présenté par les sénateurs Philippe Bas (LR), Bruno Retailleau (LR), François Zocchetto (UDI) et Michel Mercier (UDI), la proposition de loi vise donc notamment à :

  • Autoriser l’installation de dispositifs de type IMSI-catchers dans le cadre de simples enquêtes préliminaires, sous contrôle du juge des libertés et de la détention (JLD), ce qui permettra de placer tout un quartier sous surveillance électronique, y compris pour enquêter sur des délits de droit commun. Même si les conversations elles-mêmes des habitants ou des passants ne seront pas enregistrées, toutes les métadonnées (qui appelle qui, combien de temps, à quelle heure, etc.) pourront être collectées pour les besoins de l’enquête, et analysées.
  • Autoriser la captation de correspondances (notamment des SMS) par ces mêmes IMSI-catchers, « si les nécessités de l’enquête l’exigent ».
  • Autoriser la police judiciaire, toujours sous contrôle du JLD, à « accéder, en tous lieux, aux correspondances numériques émises, reçues ou stockées sur une adresse électronique si cette dernière fait l’objet d’une autorisation d’interception » (le dispositif vise à collecter tous les e-mails sans avoir à réaliser une perquisition dont le suspect aurait connaissance) ;
  • Autoriser les juges d’instruction à mandater des hackers pour mettre sur écoute un système informatique, sans avoir à recourir exclusivement aux rares dispositifs techniques labellisés par le ministère de l’Intérieur.
  • Interdire la consultation de sites djihadistes. Reprenant la proposition de Nicolas Sarkozy d’interdire la visite de sites internet terroristes, pourtant déjà rejetée par Bernard Cazeneuve qui a reconnu qu’elle n’était pas conforme aux droits de l’homme, la proposition de loi vise à condamer de 2 ans de prison et 30 000 euros d’amende « le fait de consulter habituellement un service de communication au public en ligne mettant à disposition des messages, images ou représentations soit provoquant directement à la commission d’actes de terrorisme, soit faisant l’apologie de ces actes lorsque, à cette fin, ce service comporte des images ou représentations montrant la commission de tels actes consistant en des atteintes volontaires à la vie ». Il est bien prévu des exceptions pour les journalistes, les chercheurs ou les avocats et enquêteurs, mais pas pour l’internaute lambda qui irait s’informer à la source sur les discours de l’ennemi désigné d’une guerre qui impose de sacrifier des droits fondamentaux au nom de l’état d’urgence.

La proposition de loi est examinée ce mardi au Sénat, et son examen continuera éventuellement jeudi si les sénateurs n’ont pas achevé leurs travaux. Le texte passera alors aux députés à l’Assemblée nationale.

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