Pour comprendre l’enthousiasme derrière NationBuilder il faut revenir à 2009, quand à Los Angeles, Jin Jilliam, un entrepreneur du web, a commencer à penser le nouvel outil que le monde va s’arracher. Mais que se cache-t-il derrière ce logiciel à tout faire aux airs de SimCity dans la vraie vie ? Un simple Content Management System (CMS), dans la langue de François Hollande : un Système de Gestion de Contenus, soit l’alpha et l’oméga du webmaster. Une boite à outils utilisée pour construire, gérer et mettre à jour du contenu sur un site web et entretenir une base de données.
Nationbuilder transforme une élection en terrain de jeu
Mais alors pourquoi un outil aussi basique peut-il autant intriguer la classe politique ? Parce que NationBuilder n’est pas un CMS de plus, il est le CMS de l’empowerment militant. Il réunit quatre outils en un seul et fusionne la réalité militante et sa gestion numérique à travers la data, le tout dans les coulisses de beaux sites web.
Derrière le succès du CMS, il y a une recette précise et efficace qui fonctionne avec une promesse : ONG, candidat, partis, associations et même institutions, trouveront tout ce dont ils ont toujours rêvé pour un tarif qui débute à 29 $ par mois et qui monte jusqu’à 5 000 $ par mois. Et de quoi ont-ils vraiment besoin ? Les quatre as pour gérer une communauté réunis en une seule interface :
- Le site web : NationBuilder fournit rapidement un site web dont les possibilités de personnalisation dépendront des moyens investis mais qui, dès, le départ sera responsive et adapté à une utilisation sociale et de mise en avant de l’action militante.
- La communauté : avec le site, le second outil qui permettra de construire une troupe 2.0 sera l’aspect communautaire, inscrit au cœur du produit. NationBuilder va construire, en interagissant avec les visiteurs du site, une base de donnés regroupant une communauté. Croisant les infos et actions qu’ils répertorient eux-même et leurs datas récupérées sur les réseaux sociaux, les administrateurs auront rapidement des portraits précis de leurs communautés.
- Les donations et le fundraising : tradition particulièrement U.S., le financement d’une campagne est déterminant pour la réussite électorale. NationBuilder a implanté dans le backoffice du site plusieurs outils de donations sécurisés et de suivi des levées de fonds, le tout totalement intégré au reste de l’écosystème communautaire.
- La communication : voilà la dernière partie sans laquelle NationBuilder ne pourrait faire de n’importe qui le prochain Bernie Sanders. Au cœur de la gestion de la data que l’outil collecte se trouve tous les moyens pour relancer les militants et rattraper l’attention d’une communauté. Et là, tous les moyens sont bons : bombarder de SMS ses ouailles, lancer des tweets automatisés ou encore laisser des messages vocaux dans la boîte de tout vos électeurs.
On comprend bien mieux l’engouement de nos dirigeants pour ce nouvel outil qui, en 4 fonctionnalités simples mais réunies, leur donne la capacité à d’ériger une communauté d’électeurs ciblés et sur lesquels ils ont toutes les données nécessaires. Et surtout NationBuilder leur permet de connecter l’inconciliable : les militants en porte à porte, les sympathisants curieux et les soutiens financiers en une seule et même communauté virtuelle.
Marseille, primaire socialiste pour les municipales
Et même si c’est passé inaperçu à l’époque, la France a découvert NationBuilder dans l’affrontement entre Samya Ghali et Patrick Menucci pour l’investiture socialiste dans la course municipale de Marseille. Deux candidats atypiques, une sénatrice fougueuse et au tempérament impétueux contre un baron marseillais bien connu des couloirs de Solférino. L’un est le candidat du gouvernement Ayrault pour battre Gaudin, l’autre est une épine dans le pied au jeu socialiste local. En fin de compte, Menucci sera l’unique candidat malgré une campagne mouvementée : 300 voix lui conforteront cette place. Derrière ce combat, deux techniques qui résument assez bien les enjeux de l’électoralisme des années 2010.
C’est l’agence web de Benoit Thieulin, La Netscouade, qui mettra toute son énergie à travailler à la réussite de la campagne de Patrick Menucci. L’élu socialiste dira alors dans Le Monde « Je n’ai pas fait coller une seule affiche pendant la primaire. À l’inverse de mes concurrents, j’ai tout investi sur le numérique. » L’histoire retiendra alors un affrontement de méthodes sans précédent dans la cinquième République : Ghali en figure archaïque de la campagne de terrain du socialisme post-Epinay et Menucci en proto-démocrate américain misant tout sur l’empowerment de ses supporters. La première mobilisera avec des méthodes contestées son électorat avec une présence sur le terrain très forte (et des mini-bus pour conduire les marseillais aux urnes gratuitement). L’autre aura seulement bombardé de SMS plus de 12 000 votants sur les 24 000 inscrits.
sanders, le community maker 2.0
Le plus Français des candidats à la primaire démocrate, Bernie Sanders, a franchi une nouvelle étape dans l’utilisation de NationBuilder pour la primaire Démocrate et marque ainsi de nombreux points d’avance dans son interactions avec ses soutiens. Le seul candidat auto-proclamé socialiste est en train de créer la surprise depuis les deux premières étapes, au coude à coude avec la favorite Clinton dans l’Iowa, il vient de l’emporter très largement dans le New Hampshire.
Et si cette fois, NationBuilder n’était pas seulement l’outil derrière une réussite mais la mise en pratique d’une nouvelle idée de la politique ? Une conception qui se résumerait dans la campagne de Sanders par son mantra « NOT ME, US » qui cristallise bien le changement de ton démocrate depuis le culte HOPE de Shepard Fairey pour Obama lors de sa première élection.
Mais est-ce que Sanders utilise lui aussi NationBuilder ? Si on gratte la surface, on s’aperçoit que la réponse est curieusement négative. Avec un rapide coup d’œil dans la source du site, on voit bien que le CMS qui héberge le site du candidat est tout simplement WordPress — même si Sanders pourrait utiliser NationBuilder en interne sans que l’information soit publique. Mais NationBuilder n’est évidemment plus le seul sur le marché et aujourd’hui c’est bien plus un « esprit communautaire à-la-NationBuilder » qui est devenu incontournable. Rappelons qu’au delà de la sur-utilisation de la data dans sa campagne, l’empowerment numérique va jusqu’à l’utilisation de Tinder par les militants, comme nous l’apprenions récemment.
Et ce n’est pas le seul d’ailleurs pendant cette campagne américaine à jouer l’ultra-communautaire ; mais c’est peut être le meilleur exemple pour observer comment le système de communautés numériques bouleverse la politique : la vraie révolution de NationBuilder est communautaire. On ne peut plus le voir aujourd’hui comme seulement un outil au service de méthode politique figée, mais bien la réponse à une demande croissante de renouvellement démocratique en Occident.
NationBuilder est de plus en plus utilisé pour mettre en mouvement des militants, mais aussi pour les impliquer dans l’élaboration et la transmission du politique. L’outil, bien géré, transforme n’importe quelle candidature en mouvement communautaire, rappelant irrémédiablement les méthodes de Podemos, le nouveau parti espagnol ultra-connecté qui ne finit plus de créer la surprise lors des élections. Notre coup d’œil dans les sources du site espagnol confirme aussi l’absence de traces liées à NationBuilder et pourtant, la stratégie web rappelle fortement l’engagement que permet aux internautes le CMS politique.
La france, mission 2017
Entre la campagne pour la primaire de la droite et les candidatures qui s’annoncent à la gauche de François Hollande, la campagne présidentielle de 2017 a déjà commencé en France. Pourtant, vous n’avez vu aucun tract. Mais tout est déjà là, sur le web avec NationBuilder aux commandes.
Les jeux sont faits : cette présidentielle ne se fera pas sans NationBuilder. Le CMS est partout. Jean-Luc Mélenchon annonçait fièrement (et à tort) utiliser le même outil que Sanders. Mais il n’est pas le seul, la droite en a fait aussi son allié principal, du site participatif des Républicains au site des candidats à la primaire (comme Alain Juppé). Tout le monde se l’arrache et NationBuilder se voit utilisé tour à tour pour collecter des données à partir des réseaux sociaux, promouvoir un système sécurisé de donations ou encore fournir des outils de communication ciblés grâce aux datas fournies par l’ingénierie de NationBuilder.
On nous a soufflé que toute la droite utiliserait NationBuilder pour la primaire des Républicains français. Avec un temps d’avance sur les stratégies numériques, la gauche a aussi des outils bien utilisés. Et la concurrence de NationBuilder se structure déjà, même en France. Nous aurons l’occasion d’en reparler.
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