Faut-il aller jusqu’à permettre à la police de bloquer d’elle-même les sites internet qu’elle estime être illégaux, ou d’obtenir sans contrôle le déréférencement de contenus ? Déjà investi du pouvoir de demander aux intermédiaires techniques la censure de pages ou de contenus sans passer par la justice, le ministère de l’Intérieur souhaiterait désormais automatiser certaines procédures.
« Le premier chantier, c’est l’automatisation des mesures de blocage et de déréférencement », a ainsi confié le capitaine de Gendarmerie Julien Gauthier, chef de la plateforme Pharos (Internet-Signalement.gouv.fr), dans une interview au journal L’Essor de la gendarmerie nationale. « On a encore besoin de faire évoluer les techniques pour que la procédure soit simplifiée », explique-t-il.
Actuellement, la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) impose aux hébergeurs et éditeurs de services en ligne de retirer et « d’informer promptement les autorités publiques compétentes de toutes activités illicites qui leur seraient signalées », lorsqu’elles relèvent des catégories suivantes :
- Apologie des crimes contre l’humanité
- Apologie ou provocation à la commission d’actes de terrorisme
- Incitation à la haine raciale, à la haine à l’égard de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation ou identité sexuelle ou de leur handicap
- Pédopornographie
- Incitation à la violence, notamment l’incitation aux violences faites aux femmes
- Atteintes à la dignité humaine
Mais la plateforme Pharos peut elle-même recevoir des signalements en direct, et les faire remonter aux plateformes pour qu’elles retirent l’accès à ces contenus. Par ailleurs pour les contenus pédopornographies ou d’apologie du terrorisme, la loi autorise l’Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication (OCLCTIC), qui gère Pharos, à transmettre d’elle-même aux FAI et aux moteurs de recherche la liste des sites à bloquer et à déréférencer. C’est au moins cette procédure que les services cherchent à automatiser.
Empêcher la mise en ligne de certains contenus
Celle-ci permettra aussi de s’assurer préventivement que certains contenus connus mais non encore publics atterrissent sur les plateformes les plus populaires. Le capitaine de gendarmerie raconte ainsi que lorsque la vidéo de décapitation de Hervé Gourdel leur a été signalée, ils ont pu faire aussitôt le nécessaire pour qu’elle n’apparaisse jamais :
Notre rôle est d’essayer de couper un maximum de liens de diffusion. Maintenant, il ne faut pas oublier que quand un lien est véhiculé sur Internet, il circule tellement qu’il est difficile d’en supprimer toute trace. Un cas typique, c’est par exemple la décapitation du français Hervé Gourdel en Algérie. Dès lors que nous avons été saisis de cette vidéo, nous avons coupés, de manière anticipée, les liens de diffusion de cette vidéo sur les sites communautaires de type YouTube, Dailymotion, Wat.tv,…Par conséquent, cette vidéo n’a jamais pu paraître sur les grands canaux. Le but c’est que l’utilisateur lambda ne puisse pas tomber sur ce type de contenu de manière involontaire, notamment sur des médias de diffusion classique.
Chaque semaine, les policiers et gendarmes de la plateforme Pharos reçoivent entre 3 000 et 3 500 signalements. Environ la moitié est effectivement traitée après validation du caractère illicite du contenu dénoncé. Mais seule une toute petite part fait l’objet de poursuites pénales. Ainsi en 2014, sur 140 000 signalements reçus, 500 ont fait l’objet de procédures judiciaires.
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