Lors du dîner annuel du Crif, son président, Roger Cukierman, a plaidé pour une application de l’état d’urgence sur Internet.

La lutte contre l’antisémitisme doit-elle passer par la mise en place d’un régime d’exception sur Internet ? C’est la piste que semble privilégier Roger Cukierman, le président du conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), puisque l’intéressé a plaidé pour l’extension de l’état d’urgence au réseau, au cours de son discours prononcé lors du dîner annuel du Crif.

Roger Cukierman, qui en est à son deuxième mandat à la tête du Crif, a justifié lundi soir cette demande en pointant du doigt le fait que les messages haineux publiés sur Internet serait « en hausse exponentielle ». Une position qui rejoint celle de la ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra), qui en 2011 dénonçait une prolifération de la haine sur Internet.

Il est toutefois très difficile d’apprécier vraiment la volumétrie des messages haineux sur Internet et leur évolution. Ainsi, dans un rapport remis début 2010 au premier ministre de l’époque, François Fillon, l’actuelle présidente de la CNIL Isabelle Falque-Pierrotin avait noté que « la présence des contenus racistes sur internet est réelle mais difficile à évaluer dans sa volumétrie exacte ».

C’est ce que pointe également le service de protection de la communauté juive (SPCJ), comme le fait remarquer Le Monde. Dans son rapport datant de l’an dernier, l’organisation, qui a été cofondée par le Crif, fait remarquer que « les contenus antisémites diffusés sur Internet ne sont pas recensés de façon systématique ». Or, combien de publications litigieuses passent ainsi sous les radars ?

Quant à savoir s’il faut un état d’urgence sur Internet, comme le suggère Roger Cukierman, c’est oublier un peu vite que l’actuel texte, qui s’applique sur le territoire national depuis les attentats du 13 novembre en île-de-France, et qui a été prolongé  jusqu’au 26 mai 2016, comporte déjà des mesures qui concernent Internet, en plus des restrictions aux libertés individuelles plus classiques qu’un tel dispositif peut entraîner.

Ainsi, l’état d’urgence donne aux forces de l’ordre le droit d’interdire à une personne toute communication sur Internet, de faire bloquer sans délai l’accès à des sites web, ou encore de copier sur place toutes les données figurant dans les terminaux et ordinateurs trouvés lors d’une descente, dont celles situées dans le cloud (à condition toutefois de prévoir des garanties légales).

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