Lors de questions au gouvernement à l’Assemblée nationale, le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve a bien sûr été invité à réagir aux attentats commis ce mardi matin à Bruxelles, qui confirment encore et toujours la réalité de le menace terroriste. Et le ministre de l’Intérieur d’accuser en partie Internet et la protection de la vie privée.
« Ceux qui nous frappent utilisent le Darknet et des messages chiffrés », a ainsi affirmé Bernard Cazeneuve, sans apporter d’éléments concrets à l’appui d’une telle déclaration.
Or cette affirmation n’est pas étayée. Elle serait même contraire au contenu d’un rapport de 55 pages produit par le ministère de l’Intérieur lui-même, quelques semaines après les attentats du 13 novembre 2015 à Paris, relayé cette semaine par le New York Times. Selon le quotidien américain, le rapport indique que les enquêteurs n’ont trouvé trace d’aucune utilisation de messageries chiffrées, les organisateurs des attentats ayant plutôt adopté une méthode plus traditionnelle à base de téléphones jetables.
Des armes par Internet ?
Quant au Darknet, M. Cazeneuve affirme qu’il est utilisé pour se procurer des armes. C’est peut-être vrai, mais peu crédible. D’abord parce que se faire livrer une kalachnikov en colissimo n’est pas tout à fait discret. Ensuite parce qu’il est hélas de notoriété publique (et depuis longtemps) qu’il suffit d’avoir quelques contacts dans les milieux délinquants pour se procurer facilement des armes de guerre qui ont circulé dans toute l’Europe, en particulier après les guerres de Yougoslavie. La Belgique est aussi une place de marché bien connue pour des armes de guerre vendues sous le manteau.
https://twitter.com/Tris_Acatrinei/status/712280397313351680
Le fusil composite AKM d’Ayoub El Khazzani, le tireur du Thalys, et le fusil-mitrailleur Vz 58 d’Amedy Coulibaly venaient de Belgique. Par ailleurs, selon la presse belge, « la kalachnikov et le lance-roquettes utilisés par les frères Kouachi ont été achetés par Coulibaly aux alentours de la gare du Midi, à Bruxelles, pour moins de 5.000 euros ».
Jamais, jusqu’à présent, la piste d’un achat d’armes par internet ou même d’une mise en relation par internet ou par messages chiffrés n’a été évoquée de façon concrète et documentée. En revanche, l’utilisation de Tor ou de messageries chiffrées par des réseaux de délinquance et de criminalité de droit commun est une réalité. De là à dire que Bernard Cazeneuve évoque leur utilisation dans les affaires du terrorisme pour faire avancer son combat anti-chiffrement en matière de droit pénal ordinaire, il n’y a qu’un pas.
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