Mais qu’a-t-on fait d’Internet ? C’est la question que se posent régulièrement des pionniers du Web, qui rêvaient de changer le monde et qui l’ont effectivement fait, sans toujours bien savoir si c’est pour le meilleur ou pour le pire. Internet a apporté son lot incontestable d’améliorations dans la vie sociale, en permettant aux citoyens de s’informer davantage, de partager des connaissances et d’entrer plus facilement en contact les uns avec les autres. Mais il est aussi devenu un moyen inédit de surveillance de la population, et une machine libérale qui favorise les plus gros dans une économie plus que jamais mondialisée.
Parmi ceux qui semblent avoir quelques regrets figure l’inventeur du World Wide Web, Tim Berners-Lee. L’homme, qui a créé la première page Web il y a plus d’un quart de siècle, s’est désolé dans le New York Times de ce qu’était devenu en partie Internet. « Il contrôle ce que les gens voient, crée des mécanismes sur la manière dont les gens interagissent. Ce fut génial, mais l’espionnage, le blocage de sites, le détournement du contenu des gens, vous faire aller sur les mauvais sites web… tout ça mine complètement l’esprit d’aider les gens à créer », condamne-t-il.
Nous n’avons pas un problème technologique, nous avons un problème social
Berners-Lee voit un problème majeur dans le développement du Web qu’il a créé ; la possibilité pour les états ou de grandes entreprises de prendre le contrôle et d’imposer leur puissance. Pour les états, il s’agit par exemple de la possibilité qu’ils ont de bloquer l’accès à des sites internet (comme c’est désormais fréquent en France), ou de traquer les communications pour identifier ou géolocaliser des dissidents. Concernant les entreprises, le souci est davantage dans le pouvoir immense que des Facebook ou Google ont sur les populations du monde entier, en étant les principaux vecteurs d’informations, et en glanant des informations de plus en plus précises sur les habitudes et les pensées de chacun.
Pour défendre l’idée de repenser Internet, l’ingénieur a donc participé cette semaine à la conférence Decentralized Web Summit de San Francisco, organisée notamment par la fondation Internet Archive, et des acteurs impliqués dans le bitcoin et la blockchain. Mais il prévient que la solution ne sera pas seulement technique. « Le Web est déjà décentralisé », rappelle-t-il. « Le problème c’est la domination d’un moteur de recherche, d’un grand réseau social, d’un Twitter pour le microblogging. Nous n’avons pas un problème technologique, nous avons un problème social ».
« Nous sommes au bord de découvrir qu’une entreprise peut en arriver au point où en réalité elle contrôlera tout ce que chacun d’entre nous voit », s’était déjà inquiété Berners Lee dans une interview à GeekWire. « Elle décidera des posts de ses amis et des articles de journaux qu’une personne voit, et nous réalisons que nous parlons d’une seule grande multinationale qui a soudainement le contrôle complet sur la perception qu’a quelqu’un de la planète sur laquelle il habite. C’est une bataille constante et nous en sommes très proches tout le temps ».
Un paiement plus fluide pour un internet plus sain
Pour aider à réinventer le Web, Tim Berners-Lee rêve notamment d’un réseau social respectueux de la vie privée des utilisateurs et de leur liberté d’expression. Il est membre du conseil d’administration de MeWe, qui se rêve en Facebook éthique. D’autres technologies décentralisées peuvent aussi aider, comme Tor bien sûr, mais aussi des initiatives comme ZeroNet, qui prétend héberger un Web non censurable en utilisant BitTorrent et du chiffrement, ou MaidSafe, qui utilise aussi une architecture P2P et un système d’échange monétaire baptisé SafeCoin.
À cet égard, Tim Berners-Lee espère aussi voir prospérer un Web où le paiement électronique serait beaucoup plus aisé, et sans intermédiaires à qui verser des commissions (ce qui était à l’origine l’idée du bitcoin, même s’il manque de fluidité dans la validation des transactions). « Imaginez un monde où le fait de payer pour des choses serait facile des deux côtés », demande-t-il, en faisant remarquer que « le modèle publicitaire est le seul modèle pour trop de gens sur le web actuellement ».
Les journaux, par exemple, devraient pouvoir proposer de faire payer quelques centimes pour lire un article, ce qui rapporterait davantage que la publicité, offrirait davantage d’espace d’affichage pour l’information, et éviterait de tracer l’internaute. Or aujourd’hui, le jeu des commissionnements et des empilements d’intermédiaires fait qu’il est pratiquement impossible d’avoir sur internet la fluidité de paiement offerte par l’argent liquide.
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