Le groupe de travail sur la robotique et l’intelligence artificielle du Parlement européen prépare actuellement un rapport rédigé par l’eurodéputée luxembourgeoise Mady Delvaux (S&D), qui demande à la Commission d’élaborer une directive sur des règles de droit civil sur la robotique. En plus des aspects qui s’intéressent à l’impact social de la robotique en proposant d’instaurer des cotisations sociales basées sur les gains de productivité, le texte qui sera débattu en fin d’année s’intéresse pour une plus large part aux questions plus actuelles de la responsabilité civile.
Traditionnellement en droit, chacun est responsable de ses propres actions, ou de celles des gens ou des choses qu’il a sous sa garde. Les assurances permettent ensuite d’amortir le coût de cette responsabilité en cas de problème. Mais comment faire avec des robots de plus en plus intelligents et évolutifs dont le « maître » ne maîtrise plus tout à fait sa chose ? Et d’ailleurs, qui est le maître, entre le constructeur de la machine, le concepteur des algorithmes d’apprentissage, celui qui les implémente, ou le propriétaire qui achète le robot et lui offre une « éducation » ? En cas d’incident, il faudra bien déterminer qui paye, voire qui endosse la responsabilité pénale.
À titre préliminaire, pour bien comprendre les enjeux, nous vous recommandons très chaudement cette plaidoirie éloquente délivrée l’an dernier par l’avocat Alain Bensoussan, défenseur passionné et passionnant de la création d’un droit des robots. Son propos met parfaitement en lumière le contenu du rapport.
Selon le rapport Delvaux, « plus un robot est autonome ou plus sa capacité d’apprentissage est grande, moindre devrait être la responsabilité des autres parties et, plus la période d' »éducation » du robot a été longue, plus grande devrait être la responsabilité de son « enseignant » ».
Mais « lorsqu’il s’agit de déterminer la responsabilité réelle des dommages, les compétences acquises par un robot au cours de son « éducation » ne devraient pas être confondues avec les compétences strictement dépendantes de sa capacité à apprendre », ajoute l’eurodéputée.
La personne électronique, entre l’homme et l’animal
Selon le projet de résolution, qui rejoint en cela l’appel d’Alain Bensoussan, la solution consisterait à doter les robots d’une personnalité juridique. En tout cas, pour ceux qui font preuve d’initiative. « Plus un robot est autonome, moins il peut être considéré comme un simple outil contrôlé par un autre acteur. (…) Il y a lieu d’adopter de nouvelles règles permettant d’imputer (totalement ou partiellement) à une machine ses actes ou son inaction »,
Ainsi, le Parlement européen pourrait proposer « la création d’une personnalité juridique spécifique aux robots, pour qu’au moins les robots autonomes les plus sophistiqués puissent être considérés comme des personnes électroniques dotées de droits et de devoirs bien précis, y compris celui de réparer tout dommage causé à un tiers ». C’est plus exigeant que ce qui existe pour les animaux, qui ont certes désormais des droits (celui de ne pas être maltraité par exemple), mais aucun devoir.
« Serait considéré comme une personne électronique tout robot qui prend des décisions autonomes de manière intelligente ou qui interagit de manière indépendante avec des tiers », précise la proposition.
Une assurance obligatoire pour tous les robots autonomes
Mais alors, si le robot autonome est directement responsable de ses actes, comment indemniser ses victimes ? Ce n’est pas comme s’il avait un compte en banque, ou un salaire sur lequel on pourrait ponctionner des dommages et intérêts. « Une solution envisageable, face à la complexité de l’imputabilité des dommages causés par des robots de plus en plus autonomes, pourrait résider dans la mise en place d’un régime d’assurance obligatoire, comme c’est déjà le cas, entre autres, pour les automobiles », suggère Mme Delvaux.
Mais « contrairement au régime d’assurance des véhicules routiers, qui couvre les actes et l’inaction des automobilistes, un régime d’assurance robotique pourrait reposer sur l’obligation faite au fabricant de contracter une police d’assurance pour les robots autonomes qu’il fabrique ».
Chaque robot pourrait être inscrit sur un registre européen, qui renseignera sur son « numéro d’immatriculation unique », le type de robot dont il s’agit, et éventuellement sur le nom de l’assurance et le contrat. Le rapport envisage aussi la création d’un fonds de garantie pour les robots non assurés (comme ça existe pour les véhicules, afin que les victimes ne se retrouvent pas démunies), et prévient que le montant de l’assurance pourrait être versé, soit forfaitairement lors de la mise en vente, soit par des « versements réguliers tout au long de la vie du robot ».
Tout cela pourrait êter administré par une « agence européenne de la robotique et de l’intelligence artificielle », que le projet de résolution appelle de ses vœux.
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