Avec Donald Trump, la cryptographie forte risque d’être fragilisée. En tout cas, le prochain président américain a choisi une personnalité opposée à un trop haut niveau de chiffrement pour diriger la CIA.

Il va y avoir du changement à la tête de la CIA. Le directeur de l’agence centrale du renseignement, John Brennan, sera bientôt remplacé par le représentant républicain du Kansas Mike Pompeo. C’est ce qu’annonce le site web de Donald Trump, dans le cadre de la transition du pouvoir qui est en train de se dérouler aux États-Unis entre l’administration sortante de Barack Obama et celle du président-élu.

Et c’est une mauvaise nouvelle pour les partisans d’une cryptographie forte.

mike pompeo

Mike Pompeo

Source : Gage Skidmore

Mike Pompeo est en effet hostile à un chiffrement trop solide (en tout cas pour les entreprises et les particuliers). Comme le relève Computer World, il s’est positionné sur la tuerie de San Bernardino, survenue le 2 décembre 2015 en Californie, qui avait mis sur le devant de la scène l’enjeu du chiffrement et les problèmes qu’il pose aux forces de l’ordre.

Dans cette affaire, le FBI avait poursuivi Apple en justice pour l’obliger à débloquer le contenu chiffré de l’iPhone du principal suspect, ce que le groupe n’avait finalement pas eu à faire. Le conflit s’était alors terminé sans jurisprudence claire, qui aurait permis de fixer l’obligation (ou non) qu’aurait un industriel de pirater les appareils de ses clients quand les autorités ont besoin d’y avoir accès.

Mike Pompeo juge la position d’Apple sur le chiffrement décevante

Mike Pompeo avait alors dénoncé la posture prise par Apple, qualifiant la résistance de la firme de Cupertino de « décevante » et estimant qu’elle « ne devrait pas s’opposer à l’enquête du FBI sur un terroriste mort de Daesh, qui a le sang de 14 Américains innocents sur ses mains ». En creux, Mike Pompeo aurait préféré qu’Apple coopère en débloquant le téléphone ou en permettant de créer une porte dérobée.

Le choix de Mike Pompeo, qui doit encore être confirmé par le Sénat, ce qui devrait être une formalité puisque les Républicains y sont majoritaires, est en tout cas cohérent avec les propres prises de position de Donald Trump sur ce dossier. Alors en campagne face à Hillary Clinton, le candidat républicain s’était prononcé pour le boycott d’Apple à cause de son refus d’assister le FBI.

iphone code

Une position bien différente de celle affichée par Hillary Clinton, jugée plus nuancée par Apple.

La perspective d’un adversaire du chiffrement comme patron de la CIA, qui est l’un des services d’espionnage les plus puissants au monde, est une mauvaise nouvelle pour une bonne partie de la Silicon Valley. Visiblement, la lettre de doléance des géants du net adressée au nouveau commandant-en-chef , qui appelait notamment à la protection d’une cryptographie forte, n’a pas eu l’effet escompté.

Faucon anti-Snowden

Peu connu en Europe, Mike Pompeo est considéré comme un « faucon ».

Il est opposé à l’accord international sur le programme nucléaire iranien, le qualifiant de « désastreux » et décrivant Téhéran comme « le plus grand sponsor mondial du terrorisme ». Il est aussi un critique inlassable de la politique étrangère d’Obama et un virulent opposant à Hillary Clinton, notamment dans l’affaire de l’attaque du consulat américain de Benghazi, en Libye, à l’automne 2012.

https://twitter.com/RepMikePompeo/status/799266269853863937

Comme le pointe Le Monde, il s’est permis de publier un addendum aux conclusions de la commission parlementaire sur cette affaire — l’attaque avait entraîné la mort de quatre Américains, dont l’ambassadeur en poste –, au motif que le rapport n’allait pas assez loin contre la secrétaire d’État. L’initiative avait été mal vue par président pourtant républicain de la commission, qui ne s’y était pas associé.

À l’inverse, Mike Pompeo fait partie de ceux aux USA qui sont clairement favorables aux (nombreux) programmes de surveillance de masse mis en place par la NSA au fil des ans (une position partagée par John O. Brennan). Naturellement, la conséquence de ce soutien fait que ce qu’a fait Edward Snowden en 2013 est un scandale absolu. Il le qualifie d’ailleurs de menteur et de criminel et souhaite le voir en prison.

Il est donc hors de question de le pardonner, ce que Barack Obama ne fera pas (mais pour des raisons légèrement différentes).

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