Bitcoin, Ethereum ou bien Litecoin : les crypto-monnaies (ou cybermonnaies, selon la traduction recommandée par la commission d’enrichissement de la langue française) ont la cote depuis quelques années. Il suffit de voir les hausses régulières des cours enregistrées par les principales devises (accompagnées parfois de fortes baisses, du fait de leur importante volatilité) et le nombre de projets autour de ces unités de compte pour s’en convaincre.
La popularité des monnaies électroniques est telle que les États sont aujourd’hui bien obligés de se pencher dessus. Cependant, l’initiative la plus audacieuse en la matière pourrait peut-être provenir d’Estonie : le pays balte, qui a rejoint l’Union européenne en 2004 et la zone euro début 2011, est susceptible en effet être le premier pays au monde à lancer une crypto-monnaie nationale. Celle-ci s’appellerait « Estcoin », mot-valise incluant le nom du pays, et « coin » (pièce, en anglais).
Que l’Estonie se lance dans une pareille aventure n’a rien d’étonnant : le pays est devenu l’une des nations les plus en pointe dans le numérique, que ce soit pour les services publics, de l’apprentissage de la programmation, de l’exercice du droit de vote, de l’accès à Internet, du déploiement de la fibre optique ou de la reconnaissance sociale d’Internet. Le premier ministre Édouard Philippe a même fait le déplacement pour prendre des notes et voir ce qui peut être transposé en France.
C’est Kaspar Korjus qui a lancé cette réflexion. Dans une publication sur Medium, le directeur du programme estonien d’e-résidence, qui consiste entre autres à proposer un statut de « e-résident » pour attirer les entrepreneurs (le premier statut a été décerné fin 2014), suggère de réfléchir à une « ICO », c’est-à-dire grossièrement à une introduction en cryptobourse (Initial Coin Offering, expression anglaise proche d’une autre, l’Initial Public Offering, ou IPO, qui sert à parler d’une entreprise introduite en bourse).
Initial Coin Offering
Comme nous l’expliquions dans un article consacré à l’Ethereum, une ICO consiste à vendre des jetons (ou tokens en anglais) pour récolter de l’argent sous forme de monnaie électronique. Les ICO ressemblent beaucoup à des campagnes de financement participatif, au sens où elles sont souvent organisées alors que les entreprises existent à peine, et non après avoir dépassé plusieurs millions d’euros de valorisation.
« L’estcoin pourrait être accepté comme moyen de paiement pour les services publics et privés et finalement fonctionner comme une monnaie viable utilisée à l’échelle mondiale. En utilisant nos API, les entreprises et même d’autres pays pourraient accepter ces jetons pour des transactions financières. Il sera aussi possible de construire plus de fonctions sur ces estcoins et les utiliser pour des projets de plus en plus nombreux, tels que les contrats intelligents et les services notariés », avance-t-il.
Kaspar Korjus, qui a profité du retour d’expérience et des conseils et remarques de Vitalik Buterin, le fondateur d’Ethereum, (cette monnaie est d’ailleurs née d’une ICO avec la vente de 60 premiers millions de jetons, les ethers, pour 18,5 millions de dollars en bitcoins), met toutefois en garde : l’idée qu’il est en train de développer n’en est qu’à un stade vraiment très précoce. À notre connaissance, le gouvernement estonien n’a pas encore commenté officiellement ce projet.
Pour le responsable du programme d’e-résidence, ce système aura de multiples atouts. Il permettrait d’abord de créer une monnaie que les e-résidents pourraient utiliser ; il aurait aussi une utilité pour les Estoniens, en permettant à l’estcoin de prendre de la valeur et aider le pays à financer des projets à vocation publique, un peu sur le modèle du fonds de pension gouvernemental-étranger mis en place par la Norvège, qui sert notamment à soutenir le système de retraite.
De la crypto-monnaie pour investir dans le secteur public ?
« Cela permettrait à l’Estonie d’investir dans de nouvelles technologies et innovations pour le secteur public, des contrats intelligents à l’IA, tout en la rendant techniquement évolutive pour qu’elle profite à plus de personnes à travers le monde », écrit Kaspar Korjus. « En outre, une grande partie des fonds pourrait être utilisé comme un fonds de capital-risque communautaire pour le compte d’investisseurs. L’argent pourrait ensuite être utilisé pour soutenir les entreprises estoniennes, y compris celles établies par d’autres e-résidents ».
Il reste maintenant à savoir si l’idée défendue par Kaspar Korjus aura un quelconque débouché concret. Car il ne sert à rien de tirer des plans sur la comète si le projet n’a pas un minimum de soutien, notamment au niveau gouvernemental. Le responsable du programme é-résidence laisse désormais la porte ouverte ; si une suite est donnée, elle devrait déboucher sur la rédaction d’un livre blanc qui traitera de la valeur de l’estcoin et sur la façon dont les investissements seront utilisés.
+ rapide, + pratique, + exclusif
Zéro publicité, fonctions avancées de lecture, articles résumés par l'I.A, contenus exclusifs et plus encore.
Découvrez les nombreux avantages de Numerama+.
Vous avez lu 0 articles sur Numerama ce mois-ci
Tout le monde n'a pas les moyens de payer pour l'information.
C'est pourquoi nous maintenons notre journalisme ouvert à tous.
Mais si vous le pouvez,
voici trois bonnes raisons de soutenir notre travail :
- 1 Numerama+ contribue à offrir une expérience gratuite à tous les lecteurs de Numerama.
- 2 Vous profiterez d'une lecture sans publicité, de nombreuses fonctions avancées de lecture et des contenus exclusifs.
- 3 Aider Numerama dans sa mission : comprendre le présent pour anticiper l'avenir.
Si vous croyez en un web gratuit et à une information de qualité accessible au plus grand nombre, rejoignez Numerama+.
Si vous avez aimé cet article, vous aimerez les suivants : ne les manquez pas en vous abonnant à Numerama sur Google News.