Fasciné par le numérique, David Bowie avait anticipé la mort du droit d’auteur tel qu’il l’avait connu au vingtième siècle, et lancé son propre fournisseur d’accès à internet à la fin des années 1990, pour accompagner les besoins de ses fans plutôt que de lutter contre la montée inexorable des réseaux P2P.

David Bowie nous a quitté. L’annonce de la mort de l’artiste britannique, dont nous parlions ce matin, est aussi celle du décès d’un créateur de génie qui n’a eu de cesse d’essayer de vivre avec son temps et d’inventer l’avenir, pour ne jamais devenir le passé. Hélas la mort a gagné mais Bowie aura réussi à tenir jusqu’au bout son pari, jusqu’à sortir un ultime album dont toute la presse a parlé, quelques jours avant son décès.

Sur le terrain du numérique, David Bowie n’a jamais été suiveur. Comme en musique, il s’est voulu inventeur. Ainsi en décembre 1998, à une époque où Google naissait tout juste dans un garage et où Napster (le premier des réseaux P2P) permettait déjà à des millions d’internautes de s’échanger des fichiers MP3 en les téléchargeant pour les partager aussitôt avant d’autres, David Bowie avait annoncé le lancement en Grande-Bretagne de son propre fournisseur d’accès à internet : BowieNet.

David Bowie devant un ordinateur, dans les années 1990

David Bowie devant un ordinateur, dans les années 1990

À l’époque des modems 56k, BowieNet permettait de se connecter à Internet pour 10 livres sterling par mois, et d’accéder en prime à tout un portail de contenus exclusifs dédiés aux fans de David Bowie : actualités, musiques, clips, photos, sessions de chat exclusifs avec la star représentée par un avatar 3D… Le FAI donnait également accès à 20 Mo d’hébergement pour créer sa propre page internet, voire 11 Mo supplémentaire pour créer une page de fan sur le réseau David Bowie Pod.

Le réseau BowieNet donnait également droit à une adresse e-mail [email protected] ou @davidbowie.com,  à des concours d’écriture de chansons pour être produit par Bowie en personne, à une webradio animée par l’artiste, et d’autres services dédiés aux fans. C’est tout un ensemble de contenus et de services que David Bowie proposait à sa communauté, persuadé que la valeur de la musique se déportait désormais sur les réseaux, et qu’il fallait donc trouver les moyens d’en reprendre une part.

Rien ne pourra arrêter la transformation absolue de la musique

En 2002, David Bowie avait même prédit la mort du droit d’auteur pour 2012. Dans une interview au New York Times, Bowie avait ainsi affirmé que « la transformation absolue de tout ce qu’on a toujours pensé sur la musique va avoir lieu d’ici 10 ans, et rien ne pourra l’arrêter ».

« Je ne vois absolument aucun intérêt à prétendre que ça ne va pas se produire. J’ai toute confiance dans le fait que le droit d’auteur, par exemple, n’existera plus dans 10 ans », avait-il expliqué, voyant dans les concerts la seule source de revenus viables des artistes de l’époque moderne. « Vous avez intérêt à vous préparer à faire beaucoup de tournées parce que c’est vraiment la seule situation unique qui restera. C’est terriblement excitant. Mais d’un autre côté, ça n’a pas d’importance de savoir si vous pensez que c’est excitant ou non ; c’est ce qui va se passer ».

Finalement le droit d’auteur fut plus résistant que David Bowie. Mais l’artiste n’avait pas tout faux, puisqu’il avait prédit que la musique ne se vendrait plus à l’unité (par singles ou par albums) mais deviendrait « comme l’eau ou l’électricité », consommée à la demande. Ce qui est effectivement le cas avec Spotify ou Deezer.

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