Entre l’Égypte ancienne, la Rome antique ou la Renaissance, le programme d’histoire à l’école est riche et passionnant. Mais tous les élèves n’écoutent pas forcément en cours et tout le monde ne se sent pas forcément investi. Faut-il alors abandonner l’idée d’apprendre les complexités des évolutions de l’humanité à ces personnes ? La question est évidemment rhétorique. Ce n’est pas une nouvelle : le système de l’éducation nationale ne convient pas à tous les profils et nombreux sont les élèves qui raisonnent de la manière suivante :
Histoire = Cours = Devoir = Corvée.
Mais heureusement, il n’y a pas que sur les bancs de l’école que l’on peut élargir sa culture générale et découvrir des sujets plus passionnants les uns que les autres. YouTube prouve tous les jours qu’il est une excellente alternative. En effet, si les premières stars de la plateforme rachetée par Google en 2006 produisent essentiellement des contenus de pur divertissement, ces dernières années ont vu l’émergence de formats de vidéos innovants qui rencontrent également un certain succès.
D’innombrables personnes se sont emparées de ce média pour s’improviser professeurs. Mais loin de donner de traditionnels cours magistraux, ils montent leurs vidéos de manière dynamique, y intègrent une bonne dose d’humour et développent leur « cours » sur un ton décontracté. Manon Bril, doctorante en histoire à l’université Jean Jaurès de Toulouse, a créé sa chaîne en 2015. Son objectif : « parler d’histoire autrement ». Nous l’avons rencontrée.
Avec sa chaîne baptisée « C’est une autre histoire », Manon Bril raconte de manière décalée et fun les constructions et les réappropriations des mythes greco-romains. Vaste sujet, certes, mais le premier objectif de la vidéaste est de prouver que l’histoire « n’est pas la discipline austère et élitiste qu’elle semble être », nous confie-t-elle. « Le public visé est novice et n’est pas spécialiste de l’histoire, voire un peu fâché avec », ajoute-elle en précisant néanmoins qu’il y a aussi des passionnés qui regardent. Selon elle, la tranche d’âge la plus représentée dans son public est celle des 18-35 ans, « ma génération ».
L’histoire n’est pas la discipline austère et élitiste qu’elle semble être
C’est en avril 2015 que la motivation de Manon Bril trouve sa source, à la suite de sa participation au concours Ma thèse en 180 secondes, où elle a dû expliquer, en trois minutes, son travail de recherche sur l’utilisation de l’image de la déesse Athéna dans l’art officiel du 19e siècle. « Cela m’a permis de mettre un pied dans la vulgarisation scientifique », raconte-t-elle. Après cela, elle publie une première vidéo avec une proposition : « S‘arrêter un peu pour scruter les petits recoins de notre quotidien toulousain, toutes ces choses devant lesquelles on passe tous les jours sans même les remarquer. Je m’adresse aux curieux méticuleux et à tous ceux qui ont envie de prendre le temps de s’arrêter. Bref, je vous propose de sortir nos loupes pour découvrir Toulouse au détail ».
Le succès est au rendez-vous et il suffit pour convaincre la doctorante de lancer sa propre chaîne.
Manon Bril le rappelle, ses vidéos n’ont pas pour vocation de se suffire à elles-mêmes et de se substituer au cours dispensés à l’école. Il faut plutôt les voir comme un élément complémentaire. « Mes vidéos et l’enseignement sont deux choses complètement différentes. Mon but c’est d’intéresser, pas de faire apprendre des choses. Le rythme est trop rapide, et c’est trop dense pour ça. À la fin on garde une idée générale de la vidéo mais certainement pas tous les détails. Si je voulais que ce soit le cas il faudrait s’y prendre autrement », rappelle la YouTubeuse. Elle admet que la vulgarisation a forcément des limites, quel que soit son support, car le contenu sera toujours plus court et simplifié qu’une recherche scientifique. Mais « l’objectif n’est pas le même, c’est ce qu’il ne faut pas perdre de vue », souligne-t-elle.
Mes vidéos et l’enseignement sont deux choses complètement différentes
Ainsi, les vidéos de vulgarisation ne remplaceront (probablement) jamais le programme de l’éducation nationale. Mais leur intérêt est indéniable puisqu’elles constituent un point d’entrée facilement accessible vers des disciplines parfois complexes à appréhender.
L’humour, notamment, joue un rôle crucial dans cette démocratisation du savoir pour rendre une discipline plus attractive et punchy. « Ce n’est pas obligatoire mais ça peut être un outil précieux. Si tu fais une blague à propos du contenu, les gens vont avoir besoin de se souvenir du contenu pour retrouver la blague et cela aide à retenir. Et je fais aussi des blagues qui n’ont rien à voir car elles permettent des respirations dans le rythme de mes vidéos qui va très vite », explique Manon Bril.
YouTube est donc un média numérique idéal pour la démocratisation des savoirs du fait de son immense visibilité et surtout, de son public très large. Évidemment, il faut se méfier du premier quidam qui prétendra vous apprendre des choses. Sans citer de nom, Manon Bril affirme qu’aujourd’hui, la situation de la culture sur YouTube n’est pas toute rose : « N’importe qui s’improvise vulgarisateur, pour le meilleur et pour le pire. Je précise : ce n’est certainement pas tes diplômes qui font de toi un bon vulgarisateur — presque au contraire — et tu peux faire un boulot très sérieux même si tu n’es pas spécialiste à la base. Mais le problème c’est que certains s’en contre-fichent de dire des conneries et ont parfois une très grosse audience. Ça fait des ravages ! ».
Et la vulgarisation scientifique sur YouTube ne se limite pas à l’histoire. En traînant quelques minutes sur la plateforme, on peut découvrir une multitude de créateurs de contenu capable d’expliquer de manière concise et claire les notions les plus complexes des mathématiques, de la biologie ou encore de la physique.
Si ses vidéos sur YouTube sont loin d’être l’activité principale de Manon Bril, la doctorante explique que celles-ci lui ont permis d’être approchée par des musées pour collaborer avec eux. Récemment, elle a également participé au forum Nouvelles initiatives en médiation scientifique (Nims), organisé par le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), à Bordeaux, le 31 mai. Le but de l’événement était d’échanger autour des nouveaux modes de narration et des pratiques innovantes autour de la médiation scientifique. Un sujet que Manon connaît particulièrement bien.
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