Chaque week-end, c’est la compilation de l’actualité de la propriété intellectuelle et de ses dérives, concoctée par Lionel Maurel et Thomas Fourmeux.

Cette semaine, le Copyright Madness revient sur un brevet d’Amazon qui peut presque rivaliser dans l’absurde avec celui sur l’achat en un clic, Lego qui remporte une première victoire en Chine qui risque de rallumer la « Guerre des Clones » et la société Velcro qui va jusqu’à faire chanter ses juristes pour protéger sa marque. Bonne lecture et à la semaine prochaine !

Copyright Madness

Briques. La société Lego, qui traverse une mauvaise passe financière, va peut-être pouvoir souffler un peu : elle vient pour la première fois de remporter une victoire en justice en Chine contre deux sociétés locales qui fabriquaient et vendaient sous la marque Bela des figurines ressemblant aux siennes. Cela fait plusieurs années que Lego essaie de lutter contre les « Brick Clones » qui copient ses fameuses briques, en invoquant le droit des brevets ou le droit des marques. Jusqu’à présent, cela n’avait pas produit beaucoup de résultats, ce qui avait conduit la société danoise à conclure de coûteux partenariats pour avoir une exclusivité sur certains univers (Star Wars, Harry Potter, Le Seigneur des Anneaux, etc.). C’est sur la base d’une violation du droit d’auteur que Lego a obtenu cette fois gain de cause. Les briques en elles-mêmes ne sont que des rectangles sans originalité, mais c’est la copie de personnages qui a fait tomber ses concurrents chinois. Cette première victoire en Chine risque maintenant de relancer la « Brick War » partout dans le monde…

CC Kenny Louie

CC Kenny Louie

Entre amis. Au Canada, les fournisseurs d’accès à Internet et les studios d’Hollywood semblent devenus les meilleurs amis du monde, toujours prêts à se rendre de petits services. Plutôt que de s’embêter à faire voter des lois pour durcir les sanctions en cas d’infraction au droit d’auteur, ils ont décidé de former une coalition pour prendre directement à bras le corps le problème du blocage des sites pirates. Une liste de sites à bloquer a été dressée à l’attention des FAI du pays pour qu’ils s’appuient dessus. Cette belle entente est très touchante, mais plusieurs voix dans le pays s’élèvent pour dénoncer l’opacité du procédé et la dérive vers une forme de justice privée, ne donnant aucune garantie. Et pourquoi pas aussi des accords pour mettre en place directement des tribunaux et des prisons pour les vilains pirates ?

CC Rick Harris

CC Rick Harris

Grosse frayeur. Google, Facebook et les autres grandes plateformes de médias sociaux ont quelques raisons de commencer à transpirer en Australie. La loi sur le droit d’auteur a été modifiée suite à la conclusion par le pays d’un accord de commerce avec les USA. Or, les nouveaux textes ont modifié les règles de responsabilité des intermédiaires techniques. Dorénavant seuls les fournisseurs d’accès à Internet pourront bénéficier d’une responsabilité allégée, mais pas les hébergeurs de contenus comme Facebook ou YouTube. Cela signifie que ces sites deviennent frontalement responsables de tout ce que font leurs utilisateurs. C’est un vieux rêve des industries culturelles qui devient réalité en Australie. Pour se protéger, les plateformes vont immanquablement réagir en filtrant, bloquant et sanctionnant les utilisateurs, avec la force de frappe et l’impunité qui les caractérisent. On souhaite bon courage aux internautes australiens…

australie

CC kateperegrinate

Trademark Madness

Phonétique. Certaines sociétés aiment jouer avec le feu, à leurs risques et périls. Depuis 2014,  le constructeur chinois Xiaomi essaie d’acquérir la marque Mi Pad en Europe. Évidemment, cela n’a pas manqué de faire sortir Apple du bois, qui ne veut pas que l’on fasse de l’ombre à son iPad. Après plusieurs années de procédure, la firme de Cupertino a obtenu gain de cause devant l’office de la propriété intellectuelle de l’Union européenne, qui a considéré que Mi Pad pouvait se lire comme My Pad et entraîner une confusion avec les produits d’Apple. Xiaomi a fait valoir que le Mi renvoyait à son propre nom, mais cela n’a pas suffit à convaincre. La bonne nouvelle, c’est qu’Apple n’a quand même pas d’exclusivité sur le mot « pad »…

ipad-google-docs

CC David

En chantant. Les sociétés ont un gros problème : si les marques sont employées de manière trop commune dans la société, elles peuvent perdre le bénéfice de leur protection. C’est ce qu’on appelle le phénomène de dilution des marques dans le langage courant et c’est une mésaventure qui est arrivée dans le passé aux marques Frigidaire, Kleenex ou Tipex. Du coup, d’autres entreprises déploient des trésors d’imagination pour nous empêcher de les employer à tort et à travers. La compagnie Velcro est allée très loin dans cette logique  : elle a demandé aux avocats de son service juridique d’enregistrer une clip musical pour informer le public. Le résultat s’appelle Don’t Say Velcro et c’est un véritable monument de kitch. Si vous fredonnez le refrain après l’avoir écouté, n’hésitez pas à consulter un médecin d’urgence !

velcro

CC Quinn Dombrowski

Patent Madness

Ristourne. Amazon a un don pour déposer des brevets particulièrement hallucinants. Ce fut le cas par exemple du fameux brevet sur l’achat en un clic, qui a expiré récemment après vingt ans de protection. Pour compenser peut-être cette perte cruelle, Amazon a décidé de frapper à nouveau très fort. Cette fois, la firme de Jeff Bezos a déposé un brevet sur une méthode commerciale révolutionnaire : faire voir des vidéos à des consommateurs en échange d’une réduction sur le prix d’un produit. Ça vous rappelle quelque chose ? Nous aussi… De  nombreuses applications proposent déjà ce genre de deals à leurs utilisateurs. Mais cette formule (que l’on pourrait résumer à : « c’est pas gratuit, mais tu es quand même le produit ») appartient désormais à Amazon.

Mike Seyfang

CC Mike Seyfang

Copyright Wisdom

Soulagement. C’est une des affaires les plus choquantes de ces dernières années et elle a trouvé sa conclusion cette semaine. Cela faisait trois ans que l’étudiant Diego Gómez était poursuivi devant la justice colombienne pour avoir partagé sur Internet un mémoire de recherche sur la reproduction des batraciens. La loi est telle dans ce pays qu’il risquait de la prison ferme pour cet épouvantable forfait. Un tribunal de première instance avait choisi de classer l’affaire sans suite l’an dernier, mais le parquet a fait appel… Cette semaine, la décision a été confirmée et Diego ne devrait plus être inquiété. Rien n’est plus naturel que de partager la science et le droit d’auteur ne devrait jamais empêcher de le faire.

Sciences

CC Oleg Zaytsev

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Lionel Maurel

Thomas Fourmeux

Merci à tous ceux qui nous aident à réaliser cette chronique, publiée sous licence Creative Commons Zéro, notamment en nous signalant des cas de dérives sur Twitter avec le hashtag #CopyrightMadness !

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