Forever est une des séries les plus puissantes de cette année 2018. Il ne s’y passe rien. Vous allez adorer.

La série la plus terrifiante de 2018 est-elle vraiment celle que l’on croit ? Alors que tout le monde n’a plus que The Haunting of Hill House de Netflix à la bouche, une petite série a fait doucement son apparition sur Amazon Prime Video, le service de vidéo à la demande de la multinationale américaine, mise en ligne mondialement le 14 septembre dernier.

Forever met le doigt sur les craintes contemporaines occidentales qui rongent la génération actuelle : la peur de l’ennui, l’horreur de l’enfermement, la quête de sens dans l’existence routinière. On y suit un couple de quadragénaires, CSP+, drôles mais pas très aventuriers, qui se retrouve après la mort dans une jolie maison située au milieu d’une banlieue morne désaffectée. La seule différence avec leur vie commune passée, c’est qu’ils sont à présent seuls. Très seuls. Pour l’éternité.

Aux manettes, Alan Yang (Parks and Recreation, Master of None) et Matt Hubbard (30 Rock) profitent un maximum de l’ère du binge-watching pour installer leur série sur trois, voire quatre épisode. Faites l’erreur (mais pourrait-on vous en vouloir?) de vous arrêter aux deux premiers, et vous risquez de passer à côté de la série la plus glaçante depuis The Leftovers.

Quand est-ce que ça s’arrête ?

June (Maya Rudolph, toujours géniale) et Oscar (Fred Armisen, à la fois touchant et angoissant) s’occupent alors comme ils peuvent, partageant un quotidien figé où ils s’adonnent aux mêmes activités, se promènent aux mêmes endroits, adoptent les mêmes rituels que lorsqu’ils étaient en vie… Jamais aura-t-on mieux compris l’importance de l’expression « jusqu’à ce que la mort vous sépare » au cours d’une noce de mariage.

On rêverait que la fin de l’existence les sépare, pour les délivrer enfin de l’ennui, et nous de cette gêne si palpable qui alourdit l’atmosphère un peu plus à chaque épisode. La culpabilité de l’une — qui n’assume pas de s’ennuyer profondément — s’ajoute à la dépendance de l’autre, pour créer une ambiance des plus anxiogènes.

En insistant sur la routine des personnages dans un environnement épuré et toujours très calme, Yang et Hubbard montrent combien la vie ne tient à rien lorsqu’il ne s’agit pas de consommer et ni de se divertir. Encore et encore, on fait des mots croisés, on se balade, on mange, on dort, on parle, on rit, on mange, on dort, on se balade, on dort.

Il n’est pas recommandé de chercher des explications à l’univers étrange que les scénaristes ont développé ; Forever n’en fournira pas. Juste des affirmations qu’il vaut mieux prendre pour acquises : si les personnages s’éloignent un peu trop d’une mystérieuse fontaine, ils perdent en énergie. Si un personnage brûle un meuble dans son jardin, le meuble réapparaîtra immédiatement dans son salon. Les morts peuvent cuisiner, mais pas allumer une lumière. Soit. Au diable la logique, l’important est ailleurs : il tient dans la capacité à Forever à nous faire réfléchir sur nous-mêmes.

On pense notamment à l’épisode Andre and Sarah, bulle de respiration au milieu de cette première saison, qui consacre l’intrigue entièrement à deux personnages inconnus qui s’empêchent de vivre leur amour pour des raisons matérielles et pratiques. Et comme il nous parait simple, de l’autre côté de l’écran, de les juger pour ça.

La mode de la crise de la quarantaine

Peut-on survivre sans routine ? Peut-on vivre avec ? L’angoisse est d’autant plus prégnante que les Hoffman forment un couple mignon, qui s’aime et partage des moments de complicités rares.

Forcément, Forever n’échappe pas au cliché de la-série-sur-des-quadra-déprimés-qui-cherchent-un-sens-à-la-vie, mais le fait avec une poésie que d’autres (Togetherness, Camping) devraient lui envier. On appréciera notamment sa finesse lorsqu’il s’agit de crush amical à tension lesbienne qui se suffit à lui même, sans avoir besoin de verser dans l’érotisme gratuit.

En revanche, on n’échappera pas à l’écueil du traitement de l’absence d’enfant, présentée comme un invisible fardeau et, subrepticement, comme l’une des raisons à l’absence de « sens » que June ressent. Il aurait pourtant été l’occasion de nourrir une réflexion nécessaire sur la représentation de la parentalité comme issue inévitable du couple, ainsi que sur les raisons, trop peu déconstruites, qui peuvent pousser à la reproduction comme réflexe égoïste de survie. Pour une saison 2 ? Amazon n’a pas encore annoncé si les Hoffman continueront leurs étranges aventures.

Forever, sur Amazon Prime Video depuis le 14 septembre 2018


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