À l’heure où la question écologique n’a jamais été aussi cruciale, le groupe industriel espagnol Abengoa, spécialisé dans le domaine de l’énergie, a signé un accord avec le gouvernement marocain. Celui-ci prévoit la construction de la plus grande usine de dessalement d’eau de mer au monde, opérée notamment grâce à l’énergie solaire.
Une fois achevée, cette usine devrait commencer à produire près de 275 000 mètres cube d’eau par jour — 150 000 pour une consommation alimentaire et 125 000 pour irriguer les 13 600 hectares de plantations situées près d’Agadir, au sud-ouest du pays — pour atteindre idéalement les 450 000 par jour, sa capacité maximum. Abengoa s’occupera du développement, de la construction et de la maintenance de l’usine pendant au moins 27 ans.
Les techniques de dessalement de l’eau
Deux processus existent actuellement pour dessaler l’eau de mer : une thermique et celle que l’on appelle l’osmose inversée. La première méthode consiste à extraire l’eau douce de l’eau de mer en chauffant le mélange. Alors que l’eau va se condenser, le sel et les impuretés vont demeurer sous forme solide. Les vapeurs d’eau sont ensuite placées dans un tube étanche afin d’être refroidies à l’eau de mer et transformées en eau liquide et pure. La seconde — celle utilisée par Abengoa dans le cas du projet marocain — consiste en une filtration de l’eau de mer à l’aide de puissantes pompes haute pression, ne laissant passer que les molécules d’eau.
C’est la première technologie qui est la plus répandue au Moyen Orient, notamment en Arabie Saoudite, où les usines thermiques sont alimentées par la chaleur perdue générée par les centrales électriques tournant au pétrole. Un procédé qui rend l’énergie quasiment gratuite sur ces terres riches en énergie fossile et proches de la mer.
Pour les pays importants du pétrole, il est donc bien plus simple d’utiliser l’énergie solaire, comme le fait le Maroc ou comme pourraient le faire de nombreux autres pays d’Afrique centrale. Il serait essentiel d’y installer une telle technologie, permettant aussi bien de traiter l’eau de mer mais également l’eau polluée des rivières. Malgré tout, ce type d’installation reste très coûteux comparé à l’extraction d’eau potable issue d’autres sources.
Un enjeu essentiel
La signature d’un tel projet reste un bon signe pour les défenseurs des énergies renouvelables, le gouvernement marocain ayant annoncé que l’usine sera alimentée par la centrale solaire de Noor Ouarzazate.
Ce genre d’usine de dessalement de l’eau de mer est assez rare, avec seulement 21 000 installations du même genre dans le monde — pour la plupart situées au Moyen-Orient. Moins d’1 % de la population mondiale en dépend pour se fournir en eau potable. L’enjeu est pourtant de taille, étant donné ces deux chiffres : près de 4 milliards de personnes font face à des pénuries d’eau potable, tandis que 97,5 % de toute la masse d’eau sur terre est salée.
Avec une consommation moyenne — directe et indirecte, en comptant l’agriculture et l’utilisation industrielle — de 3,8 mètres cube d’eau par personne chaque jour, l’usine d’Abengoa pourra couvrir les besoins de près de 72 500 personnes.
Maintenant que nous sommes près de 7,5 milliards d’êtres humains sur cette planète, il faudrait ainsi près de 104 000 usines de ce type pour fournir de l’eau potable à tout le monde. Quand on voit les différents problèmes d’accès à l’eau potable, notamment en Afrique subsaharienne, cette solution pourrait être des plus bénéfiques.
Quelle utilisation à l’échelle planétaire ?
Mais un problème de taille s’oppose malgré tout à la généralisation de ce procédé : le coût. Déjà parce que ce sont des installations chères, mais aussi parce que, pour certains habitants des pays touchés par des crises d’eau, celle-ci, même à un prix jugé bas pour beaucoup, peut devenir une charge énorme.
Le Jülich Solar Institute, en Allemagne, a développé une petite distillation afin de produire 10 000 litres d’eau propre par jour, proposé au prix de 2 cents par litre. Seulement, une personne a besoin de 5 litres d’eau par jour. Ainsi, Klemens Schwarzer, scientifique allemand responsable du projet, estime auprès de DW que « si l’on considère une famille de huit personnes — deux adultes et six enfants — cela fait 40 litres, ou 80 cents par jour. Pour une famille africaine ne gagnant que quelques euros par jour, c’est beaucoup trop. »
Difficile de juger quelle serait la bonne solution : il faudra sûrement attendre la baisse de coût d’installation et l’arrivée d’une réelle volonté politique (commune ?) de régler le problème de l’eau potable dans certaines parties du monde.
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