Microsoft a obtenu en fin de semaine dernière la publication d’un brevet déposé en 2015, dans lequel la firme de Redmond explique comment Windows pourrait regarder tout ce que fait l’utilisateur, y compris dans des jeux vidéo ou des applications d’autres éditeurs, pour mieux anticiper ses besoins lorsqu’il utilise un moteur de recherche comme Bing ou une intelligence artificielle comme Cortana.
L’idée décrite par Microsoft consiste à insérer dans son système d’exploitation un « composant de médiation », qui aurait pour mission de scruter tout ce qui s’affiche à l’écran ou même ce qui passe par les enceintes ou les écouteurs, et de l’analyser pour comprendre à quoi l’utilisateur s’intéresse. Une fois compris, ce « contexte » serait transmis au moteur de recherche ou à l’IA, pour leur permettre d’offrir des réponses plus adaptées qui correspondent à ce dont l’utilisateur a besoin sur le moment.
Ainsi Microsoft livre quelques exemples, comme un étudiant qui écrirait un mémoire sur les différentes formes de danses. Le système lirait ce qu’il écrit dans son traitement de texte (pas forcément Word) pour éviter que le moteur de recherche lui suggère des résultats liés à l’émission « dancing with the stars » lorsqu’il recherche le mot « dancing ». Ce serait là pour Microsoft un moyen d’être encore plus raffiné que Google dans la personnalisation, puisque Google n’a accès qu’aux historiques de recherche ou documents de l’utilisateur saisis ou consultés sur ses propres applications et environnements (Google Drive, Gmail, YouTube, applis Android…) alors que Microsoft verrait tout ou presque.
Entre autres exemples, Microsoft évoque un utilisateur qui recevrait d’un ami des photos du parc d’attraction Universal Studios à Los Angeles, et qui effectuerait immédiatement une recherche pour des billets d’avion. Windows aurait lu « Universal Studios Theme Park » sur une photo, et signalé au moteur de recherche que l’utilisateur s’intéresse à Los Angeles.
Mais le système ne serait pas limité aux PC. Ainsi la firme prévient que son « composant de médiation » pourrait être présent sur les consoles Xbox One, les téléphones Windows Phone (ou futurs Surface Phone), etc. Le contexte pourrait ainsi suivre l’utilisateur d’un appareil à l’autre, s’il utilise le même compte sur les deux. Par exemple, un joueur qui recherche « tricheries » sur son smartphone alors qu’il joue à Halo sur Xbox One se verrait proposer des résultats liés à Halo uniquement.
Evidemment, même si Microsoft n’en dit rien, on imagine que le même système pourrait être utilisé pour transmettre le « contexte » non plus seulement à un moteur de recherche, mais à des régies publicitaires — et ça tombe bien, Windows 10 affiche de la publicité et en affichera certainement de plus en plus.
Et la vie privée ?
Microsoft a été beaucoup critiqué pour sa politique de vie privée dans Windows 10, parce que le système est déjà le plus intrusif jamais réalisé par l’éditeur, ce qui lui vaut d’ailleurs les remontrances de la Cnil en France. Dans son brevet déposé au moment où ces critiques étaient déjà connues, Microsoft a donc pris soin de tenter de rassurer, même si pour le moment rien n’indique que l’invention décrite sera effectivement mise en œuvre.
Ainsi d’une part, Microsoft assure que l’analyse contextuelle (par reconnaissance d’écriture, détection de la musique environnante, etc.) est faite par le système d’exploitation, et que ce dernier envoie uniquement des « mots de haut niveau » au moteur de recherche à partir de ce contexte. Ces mots ne seraient pas assez précis pour violer la vie privée, mais assez pour personnaliser les résultats. Néanmoins tout sera une question de curseur, et surtout le fonctionnement du « composant de médiation » lui-même reste extrêmement flou. Microsoft dit qu’il pourrait s’agir « par exemple d’une API faisant partie du système d’exploitation », mais l’on ne sait pas si elle fonctionnerait exclusivement en local, ou si elle aurait besoin d’envoyer tout ou partie des éléments captés à un service d’intelligence artificielle, qui aurait charge, à distance, de comprendre le contexte d’après des algorithmes complexes.
D’autre part, il indique qu’éventuellement, il pourrait être proposé à l’utilisateur d’activer ou de désactiver cette analyse contextuelle, et qu’il soit prévu de donner son consentement au traitement de ses données personnelles, soit en « opt-in » (cocher une case pour activer la personnalisation), soit en « opt-out » (activer la fonctionnalité par défaut). Mais chacun sait que personne ou presque ne prend le temps de lire les politiques de vie privée, et Microsoft lui-même s’est assuré que les utilisateurs posent le moins de questions possibles lors de l’installation de Windows 10…
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