Lorsque nous demandons, l’air de rien, comment se prononce le nom de l’épisode et de la ville fictive où le drame se déroule, Gugu Mbatha-Raw nous répond. It’s San Junipero. Like Juniper. Juniper ? Mais qu’est-ce donc ?
— Attention aux divulgâcheurs qui pourraient vous dévoiler des moments importants de l’épisode —
Véritable épisode maître de cette troisième saison, San Junipero conduit la série à repousser ses limites, à transformer ses sempiternelles dystopies en ce qui pourrait se rapprocher d’une utopie. Lumineuse et subtilement menée, l’histoire d’amour entre ces deux (pas si jeunes) filles a été notre véritable coup de cœur de cette saison. L’épisode creuse des réflexions singulières et moins attendues que les habituelles mises en garde moralisatrices qui ont fait la signature de Black Mirror.
En réalité, San Junipero croise des utopies avec des dystopies pour parvenir à créer son monde, son ressort et son histoire. Ici, ce sont les regrets qui motivent la technologie à explorer les possibles et parcourir de nouvelles questions.
Ainsi on aborde la création d’une conscience artificielle à laquelle on pourrait donner la vue, interrogeant les frontières de la réalité virtuelle. Une réalité virtuelle peut-elle être s’il n’y a pas de vivant pour la voir ?
Et plus largement, San Junipero nous demande si nous avons besoin de vivre dans un jeu vidéo géant pour parvenir à dépasser nos regrets et nos peurs. Et pour donner à l’amour sa chance.
Du Juniper à l’immortalité
Mais est-ce vraiment seulement cela ? Si on se penche sur le nom de cette ville fictive, San Junipero, — dont le décor réel est une ville en Amérique du Sud — on trouve la racine : Juniper.
Et Juniper peut se rapporter à plusieurs significations. Déjà et plutôt anecdotiquement, le terme peut faire référence à Junípero Serra, un prêtre franciscain qui évangélisait pour l’église catholique les terres californiennes — sa canonisation est critiquée du fait des violences qu’il aurait fait subir aux populations locales. Mais de manière plus éclairante, Juniper est à la fois le nom anglophone du Genévrier et d’une société experte en infrastructures réseaux, routeurs, solutions cloud et data centers.
La plante, qui pourrait sembler sans intérêt pour notre sujet, est en réalité particulièrement exceptionnelle quand il s’agit de sa longévité. Cet arbre que l’on trouve sur tous les continents est particulièrement peu exigeant lorsqu’il s’agit de son sol et peut pousser sur des sommets : on peut ainsi le trouver jusqu’à 4 500 mètres d’altitude.
Mais c’est surtout une des plantes qui peut traverser des siècles. On considère que certaines espèces de genévrier peuvent vivre plus de 1 000 ans. Le lien de l’arbre avec notre épisode devient légèrement plus clair, mais s’approfondit quand on regarde du côté d’un conte des frères Grimm : Le Conte du genévrier.
Cette histoire recueillie par les frères Grimm est aussi atroce qu’époustouflante (un peu comme Black Mirror ? ) et raconte l’histoire d’un oiseau qui venge une petite fille alors que sa famille sème le malheur (il est question de meurtres, d’infanticides et de cannibalisme). Cet oiseau serait le fruit de l’arbre dont les propriétés de résurrection seraient reconnues par de vieilles traditions germaniques. Vous commencez à voir le rapport avec notre épisode et cette mystérieuse ville de San Junipero qui offre une sorte de seconde vie ?
Enfin, intéressante et ultime coïncidence, Juniper Networks est une société américaine, fondée en 1996. Cette dernière est spécialisée dans équipements de télécommunications et a récemment ouvert des services de solutions cloud. Et si vous vous remémorez l’épisode, les dernières images donnent à voir un data-center d’un genre nouveau.
Voilà de quoi, par un tissu de références, prolonger la discussion autour de cet épisode particulièrement fantastique de la saison 3 de Black Mirror.
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