La distribution GNU/Linux communautaire de RedHat dévoile aujourd’hui sa vingt-cinquième itération. L’occasion pour nous de revenir sur les dernières nouveautés et le futur de la distribution.

Fedora, la distribution communautaire qui sert à la fois de bac à sable et de vitrine technologique pour RedHat Linux, livre ce mardi sa vingt-cinquième version.

Traditionnellement, la distribution intègre les dernières versions et l’avant garde du logiciel libre, une volonté d’être à la pointe des développements qui sert à la fois de démonstration du futur et en même temps de circuit de test.

« On n’est plus cool »

Charles-Antoine Couret, alias Renault dans la petite communauté de la distribution, confie par exemple que son intérêt pour Fedora a toujours été lié à cette volonté de tester l’avant-garde logiciel : « Fedora permet de tester et donner des retours sur les logiciels libres qui seront peut-être plus largement utilisés demain, et personnellement j’adore ça. »

L’argument ne vaut bien sûr pas pour tous les utilisateurs, mais en tant que développeur, Charles-Antoine apprécie pouvoir s’impliquer personnellement dans le développement du monde du libre et il estime que c’est un vrai argument pour engager ses confrères développeurs dans un beau projet.

Pour les autres, et surtout pour nous-autres utilisateurs lambdas, Fedora réserve quand même des avantages. Dans un monde du libre où les déçus d’Ubuntu sont à GNU/Linux ce que les déçus du Hollandisme sont à la gauche, l’idée de passer sous une autre distribution effleure plus d’un libriste. Et si Linux Mint semble remporter l’adhésion parmi les déçus d’Ubuntu, les arguments pour passer du côté mentholé du libre sont un peu minces : même base qu’Ubuntu, choix d’environnements de travail plutôt singulier (développer seul un clone de Gnome 2) etc. LinuxMint n’est pas forcément l’alternative que l’on attendait en tant qu’Ubuntu bis.

Gnome 3.22 dans Fedora 25

Gnome 3.22 dans Fedora 25

Alors pourquoi pas Fedora ? La distribution a beaucoup changé grâce à l’implication de Gnome et semble avoir une idée claire de son futur, plutôt rassurant. Charles-Antoine nous explique ainsi que la communauté s’est posée pendant six mois et a pris une version de retard pour pouvoir se pencher sur les questions qui feront GNU/Linux demain. Il en résulte le projet Fedora Next, un plan communautaire pour aborder les changements de l’informatique pour les dix prochaines années.

Pendant les conférences qui ont abouti à ce plan, la communauté n’a pas eu peur d’aborder des questions épineuses. On peut ainsi lire dans les comptes-rendus du Fedora Magazine : « Pourquoi changer ? Et bien, au moment où nous parlons il y a plus de 10 millions de dépôts sur GitHub et 14 000 paquets dans Fedora. Une grande partie du travail dans l’open source se produit donc dans un espace où nous ne sommes pas. De plus les systèmes d’exploitation sont désormais considérés comme ennuyeux. »

Sur ce sujet, la communauté n’est pas tendre avec elle-même quand le constat qui est fait est clair : « Nous ne sommes plus cool. En fait, toutes les distributions majeures sont en déclin. OpenSUSE et Fedora semblent avoir connu leur buzz et leur popularité autour de 2006 et 2007. Ubuntu a connu le même buzz, mais plus tard, vers 2009. Or si nous regardons les années écoulées depuis, c’est une longue tendance de déclin pour nous tous. Ubuntu est toujours très populaire, mais ils ne sont plus cool, aucun de nous n’est cool. »

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Fedora Magazine

Les raisons sont évoqués pèle-mêle : « Les téléphones, les tablettes, Android, ChromeOS, le Cloud, EC2, OpenStack, CoreOS, les conteneurs… » En somme, l’informatique a changé de monde et les distributions ne sont plus le centre névralgique des technologies libres : même les développeurs s’en désintéressent. Personne n’a désinstallé sa distribution, mais ils sont de moins en moins nombreux à contribuer à son développement, un mouvement qui pourrait être mortifère pour les communautés sur le long terme.

Alors Fedora 25 serait la première distribution du cool retrouvé ? Nous n’en sommes pas sûr mais la communauté s’est assurément posé les bonnes questions. Charles-Antoine ajoute que cette version va dans le sens des révolutions de l’informatique moderne, ainsi, pour les hybrides et les nouveaux ordinateurs disposant de deux cartes graphiques, Gnome a intégré la possibilité (enfin) de choisir sur quelle puce les programmes seront lancés. Une possibilité gérée nativement par macOS et Windows depuis longtemps mais qui a mis beaucoup de temps à parvenir jusqu’à Linux.

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War, war never changes

Enfin, il y a aussi l’épineux sujet des nouveaux formats des paquets. Gnome, RedHat et Fedora soutiennent les FlatPak, un format de paquet de type sandbox à-la-Android qui pourrait lancer des applications autonomes et sans avoir besoin d’un attirail de dépendances. En somme, un paquet pour toutes les distributions, un format pour enfin cesser la fragmentation dans le monde du libre… Seulement, les Flatpak apparaissent dans Fedora après l’annonce de Canonical concernant ses Snappy. Et pour rappel les Snappy sont dans leur définition, ni plus ni moins, un double des Flatpak. La communauté n’a pas encore tranché sur ce qu’elle fera du format inventé par celle d’Ubuntu, mais pour le moment la situation est un peu tendue.

Certains crient déjà au scandale et le monde du libre se perd dans ses traditionnelles divisions. Et derrière ces batailles de chapelles, on trouve à la source des Flatpak RedHat Linux, certainement l’entreprise la plus rentable du monde du libre, et Canonical de l’autre côté, l’entreprise ayant le plus de notoriété dans le même petit milieu. Un combat sans fin semble déjà s’engager.

Un combat qui rappelle celui qui oppose Mir et Wayland. Wayland est le serveur graphique par défaut de cette Fedora. Après une petite décennie de développement le remplaçant du X.org arrive enfin dans une distribution. Un événement qui pourrait être fêté par tous car personne ne regrettera le vieux X11… à moins que, à nouveau, Canonical joue les empêcheurs d’unifier en rond avec son serveur graphique maison Mir. Qui sera (peut-être), le serveur graphique par défaut d’ici à la prochaine version long-terme d’Ubuntu. La course est lancée entre les communautés et les entreprises qui les chaperonnent.

Avec autant de drames et de guerres fratricides, nous finissons par nous demander en quoi les distributions ne sont plus cool : vu d’ici, tout semble proche d’un Game of Thrones, les décapitations en moins. HBO devrait en faire une série.

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