Numerama a son instance Mastodon. Ce n’était pas très compliqué à mettre en place et nous pensons que c’est bon pour notre média et pour le web. Petites explications.

C’est fait : Numerama a créé son instance Mastodon. En début de semaine, nous avons présenté ce réseau social émergent qui nous a amené à plusieurs interrogations sur sa pertinence. L’effet de mode n’est jamais loin. Pourtant, à l’heure où ces lignes sont écrites, nous comptons 1 857 followers sur notre premier compte Mastodon. Curieuses et curieux, utilisatrices et utilisateurs confirmés, libristes, déçu(e)s de Twitter, journalistes, nerds… : même s’il faut évidemment une appétence pour la nouveauté, nous n’avons pas eu l’impression que notre communauté, à la moyenne d’âge de 30 ans, entrait dans une case sociologique bien définie.

Cette diversité des profils est la première raison qui nous a conduit à croire que l’on pouvait accorder de l’importance à Mastodon. Numerama fait partie du groupe média indépendant Humanoid.fr : nous sommes une PME et toutes les ressources que nous allouons à des projets annexes sont mesurées — impossible de gâcher du temps de travail pour un effet de mode. Nous savons aussi que Mastodon ne sera pas le nouveau Twitter et qu’il n’atteindra peut-être jamais une masse d’utilisateurs aussi conséquente que le réseau social à l’oiseau. Mais cet espace naissant est séduisant, autant par sa liberté que par ses idéaux.

En tant que média qui cherche à se projeter dans le futur, en manquant Mastodon, nous aurions eu l’impression de rater une fusée lancée à toute vitesse.

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L’instance Numerama

Maintenant, nous avons fait un pas de plus. Nous aurions pu rester sur l’instance principale, nommée Mastodon.social, sur laquelle nous avons réuni cette belle communauté, mais au-delà d’un moyen de communiquer avec nos lecteurs, nous avons souhaité faire de notre engagement sur Mastodon une prise de position forte qui, on le pense, nous servira autant à nous qu’au plus grand nombre.

En tant que média numérique, présent uniquement sur le web, nous avons bien longtemps oublié l’idée absurde que l’information n’avait qu’un canal. Une réduction absolue de notre métier pourrait se faire en trois mots : « faire passer l’information ». Pour cela, nous utilisons bien entendu Numerama.com, mais également Twitter, Facebook, Google +, Linkedin, Google AMP, Facebook Instant Articles, YouTube, Snapchat, Periscope, Twitch… autant de plateformes qui ont leurs codes, leurs règles et leurs manières d’informer. Cela dit, elles ont toutes un point commun : elles ne nous appartiennent pas. Nous louons, en quelques-sortes, un espace d’expression et de transmission de l’information.

En échange du respect des règles du propriétaire et de l’acceptation de subir certaines contraintes (combien de fois Facebook a coupé nos émissions en direct pour des demandes de copyright indues, formulées par des robots, sans nous prévenir…), nous bénéficions de privilèges indéniables (interfaces claires, analytics, compatibilité avec Wordpress, API nombreuses, intégration) et d’une audience qui est déjà là, prête à nous intégrer dans ses habitudes — Facebook dépasse le milliard d’utilisateurs actifs. Ce n’est pas rien, dans la mesure où ce que nous écrivons a la prétention d’être lu par le plus grand nombre et que ces plateformes nous offrent un lectorat potentiel colossal.

Comme Numerama.com, notre instance Mastodon n’a qu’un cadre : notre ligne éditoriale, nos combats, notre éthique, nos valeurs.

Un choix politique

Pour nous, Mastodon est exactement l’inverse : en possédant notre instance et en nous investissant sur ce réseau social, nous acceptons que notre voix ait moins de portée, mais nous jouons selon nos règles. Comme Numerama.com, notre instance Mastodon n’a qu’un cadre : notre ligne éditoriale, nos combats, notre éthique, nos valeurs. Personne ne viendra faire tomber une publication parce que nous mettons en une un couple homosexuel qui s’embrasse et choque la pudeur américaine, personne ne coupera une vidéo parce que nous utilisons des images stock fournies par un constructeur mais présentes sur la vidéo d’un autre média.

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Et quand on voit le monde autour de nous se détourner du progrès, de l’universalisme et de la liberté pour choisir la réaction, la répression et le nationalisme à tendance totalitaire, mieux vaut avoir une solution de secours dès maintenant. Après tout, les élections françaises ne sont pas loin.

Un choix stratégique

L’autre avantage de créer une instance Mastodon pour Numerama correspond à une idée du web, qui court des pionniers jusqu’aux militants actuels, en passant par des noms comme Aaron Swartz dont les pensées ont été récemment éditées en français et irriguent encore notre quotidien numérique. Il s’agit de la décentralisation. Elle a beaucoup d’avantages, mais vient avec des inconvénients et notamment l’impossibilité d’authentifier  un utilisateur. À l’ère des fake news et de la désinformation de masse et en l’absence d’autorité centrale en laquelle on place une confiance, la décentralisation facilite l’usurpation d’identité.

Avec notre instance, nous remplaçons l’autorité centrale qui peut avoir ses défauts par une autorité technologique

Vous pouvez créer votre compte Numerama sur l’instance de votre choix et prétendre parler en notre nom. Mediapart a été réactif et a créé son compte rapidement, tout comme Le Monde qui a récupéré son nom d’utilisateur réservé par un gentil internaute — mais des comptes comme LeFigaro, BFMTV ou SNCF sont, aujourd’hui, des parodies.

Avec une instance Numerama, nous remplaçons l’autorité centrale qui peut avoir ses défauts par une autorité technologique. Le compte Numerama inscrit sur le nom de domaine social.numerama.com ne laisse place à aucun ambiguïté : il s’agit bien de nous et toutes les personnes ayant accès à l’inscription sur cette instance sont nos journalistes et nos employés. Nul besoin de faire des courbettes à un algorithme opaque pour obtenir un macaron bleu.

Pour résumer, le choix de laisser notre trace sur Mastodon correspond à trois idées qui, nous le pensons, font battre le cœur de notre média et le poussent à regarder vers l’avenir :

  • Un réseau social que nous maîtrisons et qui n’appartient ni à une entreprise, ni à un état.
  • Un vecteur de confiance pour notre lectorat qui ne dépend pas d’un tiers.
  • Une communauté de lectrices et de lecteurs qui partagent des valeurs qui se retrouvent dans l’ADN de Mastodon.

Si la dernière idée correspond à notre média, les deux premières devraient au moins titiller l’esprit de tous les directeurs de publication qui tiennent à l’indépendance de leur média et à la maîtrise d’une diffusion de leur information sur plusieurs canaux.

Si vous ne savez toujours pas ce qu’est Mastodon, cet article devrait répondre à toutes vos questions.

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