Si les fantasmes autour des voitures volantes semblaient s’être atténués au cours de la dernière décennie, les projets et les investissements dans ce domaine connaissent un véritable renaissance depuis quelque temps. À l’instar du dernier exemple en date : le premier vol réussi du prototype de la voiture volante à deux places signée de la startup allemande Lilium, doté de deux ailes de 10 mètres de longs et équipées de 36 réacteurs.
Pour autant, démonstration de vol ne rime pas avec production massive du modèle en question, et encore moins avec le lancement réel de la technologie, comme l’a prouvé la longue histoire des voitures volantes. Le fantasme remonte à loin : on trouve les premiers modèles du genre dès le lendemain de la Seconde Guerre mondiale, notamment avec l’Aerocar, une voiture aux ailes dépliables. Malgré son premier vol réussi en 1949, l’appareil n’a jamais été commercialisé et seulement 6 exemplaires ont vu le jour avant l’abandon définitif du projet.
Aujourd’hui, de nombreux projets sont en cours autour des voitures volantes, qu’il s’agisse de ceux portés par Larry Page, co-fondateur de Google, ou par des grands noms de l’aéronautique comme Airbus et son véhicule Vahana. L’entreprise slovaque AeroMobil, elle, a lancé les précommandes de son propre modèle de voiture volante, dont les premières livraisons sont attendues pour 2020.
Une voiture volante autonome ou à pilotage manuel ?
Ironiquement, la technologie semble en même temps à portée de main et vouée à rester inaccessible, les annonces se succédant sans jamais se concrétiser à grande échelle. Comment expliquer ce statu quo ? C’est ce que City Lab a tenté de savoir auprès de Levi Tillemann, spécialiste du sujet, auteur du livre The Great Race : The global quest for the car of the future et partenaire de Valence Strategic, une entreprise spécialisée dans les véhicules autonomes.
Le dernier sondage en date sur le sujet, réalisé ce mois-ci par l’université du Michigan, révèle que 41 % des adultes américains à avoir répondu se disent « très intéressés » à l’idée de monter dans une voiture volante complètement autonome (dans la conduite terrestre comme aérienne) tandis que 26 % le sont à l’idée de la conduire eux-mêmes après avoir obtenu le permis approprié.
Les obstacles à surmonter pour démocratiser la technologie sont nombreux, à commencer par l’apprentissage de cette forme de conduite atypique. « En voiture, vous avez beaucoup moins d’éléments de contrôle [que dans les airs]. […] Vous devez simplement vous poser deux questions : la voiture avance-t-elle, et tourne-t-elle à gauche et à droite ? » rappelle Levi Tillemann. Pas étonnant, donc, que seulement 50 % des sondés se disent intéressés par une formation (minimum) de 20 heures, sachant qu’un permis de pilote privé nécessite aujourd’hui au moins 40 heures de vol (contre 1 500 pour un pilote d’avion de ligne).
L’apprentissage manuel paraît logiquement bien moins attractif qu’un véhicule entièrement autonome (sur terre et dans les airs) mais aussi plus complexe que celui de la conduite terrestre, comme le précise le spécialiste : « La possibilité de se retrouver avec des pilotes très qualifiés dans des voitures volantes fonctionnelles à une échelle suffisamment importante pour impacter, même au minimum, les transports urbains dans les 10 ou 15 prochaines années est très, très faible ». Sans compter que le développement de voitures volantes 100 % autonomes repousserait encore plus loin l’arrivée des premiers modèles.
La sécurité en question
Malgré leur enthousiasme pour la technologie, 60 % des sondés se disent par ailleurs « très inquiets » au sujet de la sécurité de ces véhicules, notamment dans des situations de vol difficiles, comme des embouteillages aériens ou des mauvaises conditions météo.
Pour assurer des conditions de sécurité optimale, il faudrait donc que ces véhicules volants puissent répondre à un système de communication standardisé et fiable. Sans compter la nécessité d’établir un système de régulation aérien annexe aux standards actuels en matière d’aviation, et la question des péages qui se poserait forcément.
En cas d’accident en plein air, le crash semble inévitable et peut provoquer d’autres morts au sol, même lorsqu’il s’agit d’un drone pesant seulement 5 ou 6 kilos, comme le souligne Levi Tillemann. Sans grande surprise, 80 % des Américains interrogés jugent donc la présence d’un parachute à bord « extrêmement ou très importante » et ils sont le même pourcentage à préférer un décollage et un atterrissage vertical, semblables à celui d’un hélicoptère plutôt qu’un avion.
Quelle forme d’alimentation abordable et crédible ?
Si 60 % des sondés considèrent l’électricité comme la meilleure source d’alimentation, la réalité est plus complexe. « Les besoins en énergie d’un véhicule volant sont bien plus conséquents que pour un véhicule terrestre. Le talon d’Achille des voitures électriques reste leur faible densité d’énergie. […] Sur le court terme, il faudrait choisir entre des vols très courts ou recourir au diesel » indique Levi Tillemann. Le public interrogé aimerait à 41 % que le minimum de distance parcourue par ces véhicules volants soit d’environ 640 kilomètres, un chiffre là encore très optimiste.
Vient ensuite la question du poids et du nombre de passagers transportables, comme le souligne le spécialiste : « Dans un avion comme le 747, entre 25 et 45 % du poids total tient au carburant. […] Créer un véhicule volant en tenant compte de cette contrainte me paraît extrêmement difficile sur le court terme. » Un véhicule avec 4 ou 5 places, sur le modèle des voitures traditionnelles, semble improbable sachant que le poids maximum supporté, en se basant sur les estimations les plus optimistes, se limite à 220 kilos environ. Côté prix, enfin, un quart des intéressés se dit prêt à dépenser entre 100 000 et 200 000 dollars pour un véhicule volant.
Un quart des sondés se dit prêt à dépenser entre 100 000 et 200 000 dollars pour un véhicule volant
Outre les limites technologiques qui s’imposent encore à un tel projet malgré les progrès réalisés depuis les années 1940, les attentes du public au sujet de la voiture volante s’avèrent le plus souvent incompatibles avec la réalité. Et, au fond, si l’idée a de quoi séduire, on peut légitimement s’interroger aujourd’hui sur la pertinence d’un tel mode de déplacement, surtout à l’heure où les véhicules autonomes sont en passe de gagner les routes et potentiellement de réduire les embouteillages.
The Verge résumait parfaitement la situation en 2014 : « Le problème, c’est que ces appareils volants ne résolvent aucun problème pour l’homme, et n’initient pas non plus le moindre impact sur le futur proche. Le terme de « voiture volante » […] survend fortement leur contribution au futur du transport humain ». Il faudra donc continuer à se contenter, dans le futur proche, des voitures volantes de science-fiction pour voir ces véhicules décoller.
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