Faut-il créer une neutralité des terminaux et des systèmes d’exploitation en France, en s’inspirant de ce qui est fait pour la neutralité du net ? C’est sur cette question, qui est posée en filigrane dans un rapport de 21 pages titré « Équipements terminaux, analyse de leur influence sur l’ouverture de l’Internet », que l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) entend réfléchir.
« À l’issue des premières auditions et des recherches menées par l’Arcep, il a été possible de cartographier différents types de limites à l’ouverture de l’Internet qui ne résultent pas des pratiques des fournisseurs d’accès à Internet mais des caractéristiques des équipements terminaux ou des décisions des fournisseurs de systèmes d’exploitation », lit-on dans la conclusion du rapport.
Par équipements terminaux, le régulateur entend tous les appareils susceptibles de se brancher au réseau des réseaux : smartphones, box Internet, box TV, ordinateurs, consoles de jeux vidéo, téléviseurs, objets connectés.
Or, rappelle l’autorité, le règlement européen 2015 / 2020 sur l’Internet ouvert et entré en vigueur le 30 avril 2016 « consacre un droit pour les utilisateurs finaux d’accéder à un Internet neutre, ouvert et innovant et d’y fournir des contenus ; simultanément, il encadre les pratiques susceptibles d’être mises en œuvre par les fournisseurs d’accès à internet dans la gestion de leurs réseaux ».
Cela étant, le périmètre du règlement sur l’Internet ouvert ne porte que sur un maillon, certes crucial mais limité, de la chaîne entre l’utilisateur et le net. Cependant, l’Arcep « estime qu’il y a lieu de s’intéresser aux limites à l’ouverture de l’Internet qui pourraient résulter de facteurs non couverts par le règlement sur l’Internet ouvert ».
Par exemple, l’Arcep relève que « l’accès à Internet via les applications est par nature plus restrictif que l’accès via un navigateur, puisqu’il est très spécialisé : les développeurs d’applications conçoivent celles-ci dans l’objectif de rendre un service spécifique. Si cette spécialisation simplifie l’expérience utilisateur, elle a pour contrepartie une moindre maîtrise des informations auxquelles il peut accéder et un moindre contrôle des critères en fonction desquels ces informations sont mises en avant ».
Les fabricants pas forcément fautifs
Les membres de l’autorité restent toutefois prudents. Ils soulignent dans leur rapport que les limites qu’ils ont pu trouver « ne résultent pas [toutes] d’une volonté délibérée des fabricants de terminaux : ces derniers sont en effet soumis à des contraintes techniques sur lesquelles ils n’ont pas nécessairement de prise ». Dans ces conditions, la mise en place d’une nouvelle règlementation n’aurait pas forcément d’effet.
Dans le cas de la neutralité du net, les règles adoptées au niveau européen donnent à l’Arcep le pouvoir de contrôler et d’imposer des sanctions lorsque les fournisseurs d’accès à Internet dégradent la qualité d’accès à des services ou favorisent indûment un type de services par rapport à d’autres. Mais ce pouvoir de sanction se limite au niveau des opérateurs, sans pouvoir agir à d’autres échelons.
« Une partie des limites identifiées, souvent logicielles, peut être contournée : il existe souvent des solutions de contournement au sein même du terminal considéré. D’autres limites logicielles identifiées ne semblent pas être contournables, en particulier sur certains terminaux mobiles dont les usages, déjà substantiels à l’heure actuelle, sont en passe de devenir prépondérants », ajoutent-ils.
Pour l’Arcep, ce rapport ne vise pas à accuser les éditeurs de systèmes d’exploitation et les constructeurs d’appareils. Il s’agit de l’utiliser comme « base pour la poursuite des échanges avec les parties prenantes ». Celles-ci sont d’ailleurs invitées à réagir à ces premières conclusions, mais à partager leur vision prospective sur le sujet. Un rapport plus complet sur la question est attendu début 2018.
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