Soit le gouvernement réalise que le retour à la croissance passe par un jeu plus franc de la concurrence sur le marché gelé des télécommunications, soit le poil-à-gratter jeté par Free sur ses projets de régulation des télécoms commence à faire son effet. Le fournisseur d’accès à Internet, qui s’est publiquement opposé à la loi Création et Internet après l’avoir soutenue, et qui a moqué le projet de filtrage que souhaitent mettre en place les ministres de l’intérieur Michèle Alliot-Marie et de la famille Nadine Morano, pourrait finalement obtenir sa licence 3G. Alors que le plan d’Eric Besson présenté le mois dernier ne laissait aucun espace aux espoirs de Free, le journal La Tribune a publié samedi une note de Matignon qui révèle que le cabinet du premier ministre souhaite au contraire favoriser l’entrée d’un quatrième opérateur sur le marché.
D’après cette note, dont le contenu a été confirmé par Matignon, deux scénarios seraient à l’étude. Le premier, qui a la préférence du gouvernement, consisterait à attribuer un lot de fréquences de 10 MHz à un nouvel opérateur, et un lot de 5 MHz ouvert à toutes candidatures, y compris des opérateurs en place. Le deuxième scénario viserait à attribuer les fréquences en trois lots de 5 MHz ouverts en tous, en favorisant l’attribution des trois lots à un nouvel entrant.
Conformément à l’avis de l’Arcep, qui régule les télécommunications en France, la possibilité d’attribuer l’ensemble des 15 MHz à un seul opérateur serait écartée.
Matignon, qui avait remis le dossier à 2009, souhaiterait désormais aller au plus vite. Là encore fidèle à l’avis de l’Arcep, le premier ministre souhaiterait qu’un débat soit organisé au Parlement dès ce mois-ci pour « opérer sans plus tarder un choix entre les deux scénarios« , et attribuer les fréquences au premier semestre 2009.
Le fruit d’un marchandage européen ?
C’est pourtant Nicolas Sarkozy lui-même qui a souhaité faire obstacle à l’entrée de Free sur le marché des télécommunications. Le Président de la République souhaite maintenir les bénéfices des trois opérateurs actuels à leur niveau actuel, pour ne pas fragiliser ni les perceptions d’impôts (TVA et impôt sur les sociétés) qui apportent une contribution importante au budget de l’Etat, ni le financement de l’audiovisuel public. Le projet de loi présenté par Christine Albanel prévoit en effet qu’une taxe sur les bénéfices des opérateurs finance France Télévisions et Radio France après la suppression de la publicité. Or plus il y aura de concurrence, plus l’assiette de cette taxe sera affaiblie.
Puisqu’il est inimaginable que Matignon agisse contre l’avis de Nicolas Sarkozy, le Président a probablement changé d’avis sur le dossier. Peut-être a-t-il reçu quelques pressions amicales de la part de ses homologues européens. Et peut-être même est-ce cette ouverture à la concurrence que le Président de la République a marchandé contre l’obtention d’une majorité qualifiée des Etats membres au prochain Conseil des ministres, en faveur d’un retrait de l’amendement 138 anti-riposte graduée.
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