Une nouvelle fois, les pays industriels et les multinationales qui font de la propriété intellectuelle leur nouveau pétrole s’apprêtent à user de l’arme bien connue du traité international pour imposer aux législateurs de tous les pays une protection accrue du droit d’auteur, des marques et des brevets, sans que le public n’ait son mot à dire.
Pour mémoire, la loi DADVSI très décriée en France en 2006 était pour une très large partie imposée par la directive européenne EUCD de 2001, elle-même imposée par des accords signés par l’Union Européenne au niveau de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) en 1996. Même s’ils le souhaitaient, les députés des parlements nationaux ne pourraient revenir sur le niveau de protection des droits d’auteur décidé par les traités internationaux. Christine Albanel, à qui était proposée d’abolir les dispositions de la loi DADVSI qui se sont révélées inutiles, l’a d’ailleurs redit au Parlement la semaine dernière : « Supprimer (la protection juridique des) DRM par la loi serait inconstitutionnel et incompatible avec le droit communautaire, puisque ces mesures sont protégées par la directive (EUCD)« . Dès qu’un traité international est conclu, le législateur national est pieds et points liés, comme chacun des citoyens dont les représentants sont privés de tout pouvoir d’influence sur le degré de protection des droits d’auteur.
15 ans après l’ADPIC négocié à l’Organisation Mondiale du Commerce, l’Accord de Commerce Anti-Contrefaçon (ACAC) doit encore une fois accentuer la protection des droits de propriété intellectuelle sous prétexte de protéger le marché à l’échelle mondiale. De l’ACAC, personne ne sait rien, si ce n’est qu’il est actuellement en cours de négociation, notamment entre l’Union Européenne, le Japon et les Etats-Unis. Une trentaine d’Etats auraient eu accès aux documents préliminaires, tout comme quelques lobbys industriels triés sur le volet. Mais lorsque le citoyen de base veut accéder à la même information pour participer au débat et apporter sa pierre aux négociations, l’accès aux documents de travail lui est refusé.
Agacé par ces pratiques, le Parlement Européen a dû adopter le 12 mars dernier par 439 voix contre 200 le rapport de Michael Cashman, qui demande à réviser la législation de 2001 sur l’accès aux documents, et qui demande à la Commission européenne de « rendre accessibles au public tous les documents relatifs aux négociations internationales en cours sur l’accord commercial anti-contrefaçon (ACAC) qui contiendra un nouveau référentiel international concernant le respect des droits de propriété intellectuelle« .
Le collectif Knowledge Economy, qui se bat pour que la transparence soit faite sur le traité ACTA, avait de son côté demandé le 31 janvier dernier à l’administration d’Obama d’ouvrir l’accès à sept documents de travail dans lesquels l’essentiel du projet de traité serait présent. Il a ainsi soumis une demande basée sur le Freedom of Information Act (FOIA), qui encadre l’accès aux documents administratifs. Mais l’organisation indique que sa demande a été rejetée au motif que les documents seraient classés « dans l’intérêt de la sécurité nationale« , sous l’Executive Order 12958 de 1995. Secret Défense. Pour des règles sur la protection des droits d’auteur et des inventions.
Sous George Bush, l’administration avait déjà indiqué le 16 janvier dernier à l’Electronic Frontier Foundation que sur 806 pages de documents relatifs au projet de traité, seulement 10 n’étaient pas couvertes par le Secret Défense.
Pour pouvoir invoquer l’Executive Ordrer 12958, il faut toutefois que la publication des documents classés puisse « créer un dommage à la sécurité nationale » et que l’autorité qui a décidé du classement soit « en mesure d’identifier et de décrire le dommage« .
En quoi, donc, donner au public l’accès aux négociaitons relatives à la protection des droits de propriété intellectuelle présente-t-il une menace pour la sécurité publique ?
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