La valorisation, entre promesse de succès et miroir aux alouettes
La société Square, spécialisée dans le paiement mobile, était valorisée 6 milliards de dollars en prenant comme référence les levées de fonds successives menées auprès des fonds d’investissement. Cependant, la firme a dû corriger sa copie de 3 milliards de dollars pour entrer en bourse le 19 novembre dernier. Une baisse de 50% a été effectuée pour attirer de nouveaux investisseurs et assurer le développement de cette startup. Une action logique mais totalement improbable pour le commun des mortels.
La performance de l’entreprise n’ayant pas été à la hauteur des promesses effectuées, il était nécessaire de réagir pour séduire à nouveau et protéger les investisseurs de la première heure via une mécanique de sous-valorisation pour les protéger de toute perte. Le cours avant introduction passe de 13 dollars à 9 dollars par action. À la fin de la journée, de l’argent frais est obtenu et l’action est cotée à 13 dollars, la cible initiale. Et les actionnaires existants ont pu faire leur culbute en revendant une partie de leurs parts.
la fierté d’avoir levé
Mais bien avant de se retrouver dans la situation de Square ou des 142 autres licornes numériques, la valorisation est un point central de discussion : il est à la fois un outil de communication grand public et la formalisation des promesses faites aux investisseurs privés. Promesses qu’il va falloir tenir pour avoir le droit à de nouveaux financements pour :
- continuer à se développer
- avoir de nouveaux arguments de communication auprès des prochains investisseurs et clients finaux.
98 millions d’euros levés auprès d’investisseurs en octobre puis 86,5 millions en novembre 2015 selon le Journal Du Net. Autant d’annonces effectuées sur les différents médias et présentées comme des éléments de succès pour toute une partie de la communauté numérique. Des informations affirmées comme une certitude de santé économique au plus haut niveau de l’État, l’initiative La French Tech en tête. Pourtant, ce ne sont pour le moment que la preuve de l’endettement d’entreprises face à leurs créanciers et non de la création de valeur et la preuve du dynamisme des territoires français.
Un volume d’affaires très prometteur et qui reflète le potentiel des startups Made In France, mais qui ne génère que 300 emplois actuellement
BlablaCar, pépite française qui a intégré le club privé des licornes européennes, est présente dans 19 pays pour un revenu estimé de 66,2 millions d’euros selon Business Insider. Un volume d’affaires très prometteur et qui reflète le potentiel des startups Made In France, mais qui ne génère que 300 emplois actuellement. Un exemple suffisant pour bomber le torse et dire que la France est un acteur majeur de la scène numérique internationale ?
« J’ai levé 2 millions et ma société est valorisée 10 millions ! » Et le chiffre d’affaires ?
Il s’agit d’une startup connue pour avoir réussi sans levée de fonds et sur un modèle optimum : aucun investissement initial, pas de bureau et donc faisant du télétravail la valeur de base de l’entreprise, des revenus et des profits en millions d’euros, un temps passé au travail qui se rapproche des 20h/ semaine (l’histoire a dû être très différente au début de l’entreprise cependant) et des livres écrits par Jazon Fried pour parler de la « méthode » 37Signals qui se vendent comme des petits pains.
Certaines entreprises rient à gorge déployée face à cette course effrénée aux capitaux privés devenue règle informelle et passage obligé vers le succès, voire succès en soi pour certains startupers. À commencer par Jason Fried, fondateur et CEO de 37Signals, qui se moque ouvertement de la valorisation des startups dans un article intitulé « Communiqué de Presse : la valorisation de Basecamp atteint 100 milliards de dollars après un investissement audacieux d’un fonds ». Pour la somme astronomique de 1 dollar, plusieurs fonds d’investissement fictifs auraient obtenu 0.000000001% de sa société. Un très joli coup de communication et un pied de nez aux startups qui voient dans la levée de fonds un succès en soi.
Car il faut mesure garder : la levée de fonds est un tour de force en soi mais n’est qu’un accélérateur de croissance. Jusqu’à ce que la société soit entrée en bourse ou que le chiffre d’affaires soit supérieur aux dépenses générées, les différentes levées de fonds ne vont générer que des contraintes supplémentaires : plus de temps passé à faire des rapports à vos investisseurs, plus de justifications nécessaires pour utiliser les capitaux obtenus, plus de personnes qui pensent et moins qui font. Et surtout, moins de temps passé à vendre vos services et produits payants.
Et c’est bien dans le savant mélange entre chasse aux investisseurs et chasse aux clients qui fait du métier d’entrepreneur en startup toute sa difficulté et sa saveur. Ceux qui ont les bons soutiens au bon moment sont souvent ceux qui gagnent. Toute une affaire de timing.
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